Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : La Tanière du Champi
  • : La Tanière du Champi se veut un lieu où l'on se sent bien pour lire (surtout des BD !), discuter, jouer... Au gré des humeurs, lectures, heures de jeu, j'essaierai de vous faire découvrir tout ce qui se cache sur les étagères poussiéreuses de ce petit mo
  • Contact

Cases dans le vent

Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis quelques mois, je rédige des biographies d'auteurs de BD pour des l'encyclopédie en ligne des Editions Larousse.

Afin de vous permettre de retrouver plus rapidement l'ensemble de mes contributions, je vais essayer de les lister ici dans l'ordre de leur parution.

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser vos avis !

Champi à tout vent

David B. - Edgar .P. JACOBS - Bob de MOOR - Benoît PEETERS - François SCHUITEN - René GOSCINNY - Astérix - Manu LARCENET - HERMANN - Robert CRUMB - Osamu TEZUKA  - Jean-Pierre GIBRAT -





Contacts

6 août 2019 2 06 /08 /août /2019 09:51

Lors du Salon du Livre de Hyères le 11 mai 2019 j'ai eu la chance d'animer une rencontre avec VINCENT, dessinateur de la BD Liberty Bessie (sur un scénario de J-B DJIAN).

En voici un petit compte-rendu.

À quand remontent vos premiers souvenirs relatifs à la BD ?

 

Mon père collectionnait les reliures du magazine Spirou. Je pouvais donc passer des semaines à lire ces épais volumes dans lesquels étaient rassemblées les histoires d’auteurs des années 50, notamment les aventures de Spirou dessinées par FRANQUIN.

Après avoir été emporté par les histoires, je me suis penché sur les dessins, que j’ai commencé à copier, pour essayer de les comprendre.

Maîtriser le dessin m’a montré à quel point cela pouvait donner du pouvoir : faire rire les autres, les copains, les surprendre.

 

 

Quelles études avez-vous suivies pour vous lancer dans la BD et quelles ont été vos influences ?

 

Mes grands-parents m’ont énormément encouragé : ma grand-mère dessinait et mon grand-père, né en 1899, écrivait et aurait aimé dessiner. Il détestait FRANQUIN, qu’il trouvait trop éloigné du classicisme, mais il était fan d’UDERZO - d’ailleurs il achetait les Astérix en cachette…

Je me suis donc d’abord mis à dessiner pour leur faire plaisir.

 

J’ai passé un bac F12 (arts appliqués), dans lequel la BD était très mal vue. J’avais évoqué l’idée de réaliser un album de BD pour passer une de mes épreuves du bac, mais les professeurs n’ont pas apprécié...

 

Je suis ensuite entré à l’école de dessin Émile Cohl, à Lyon. Ce que l’on m’y a enseigné m’a fait remettre en question tout ce que j’avais appris tout seul. J’y ai beaucoup travaillé le dessin au trait. Et il fallait faire face à un profond esprit de compétition.

Ces trois années passées là-bas, sans aucune préparation, ont été assez rudes.

À l’époque, la 3D devenait à la mode et prenait de plus en plus de place. Je me suis débrouillé pour aller au festival Imagina, à Monaco, avec des copains, et nous avons réussi à voir le premier Toy Story, en passant par les coulisses. Nous avons été scotchés par ce que nous avons découvert, par les prouesses que Pixar avait réalisées, et nous avons décidé de prendre cette direction, de travailler dans la 3D.

 

J’ai alors été recruté par des boîtes de production de jeux vidéo, comme Kallisto, à Bordeaux.

J’ai aussi fait des petits boulots dans le dessin animé : un détournement du Aladdin, de Disney, pour une publicité pour des yaourts. Nous disposions d’un banc-titre (pour filmer image par image) et de trois semaines. Intense !

 

Le dessin animé et le jeu vidéo sont de très bonnes écoles de dessin, car il faut produire vite et en quantité. De plus, travailler en 3D nécessite une grande exigence en matière de point de vue quand on compose un dessin : où placer l’œil, choisir une plongée ou une contre-plongée…

J’avais par contre peu de temps pour dessiner pour moi, uniquement durant les temps morts…

 

Dans les années 2000-2004, j’ai travaillé pour les studios Disney, via une petite boîte installée à Lyon. C’était un studio où tout le monde était très polyvalent, loin des standards étasuniens où tout est divisé en départements. Les studios Disney ont toutefois accepté de nous confier les adaptations en jeu vidéo de Winnie l’Ourson et de Peter Pan telles que nous le avions proposées.

Cette boîte, en plein développement, rachète alors Delphine Software, qui réalisait également des jeux vidéo. Elle travaillait sur un gros projet en co-production avec Vivendi, mais ce dernier a fini par faire planter le tout… Et ma boîte a donc dû procéder à des licenciements.

 

J’ai décidé de profiter de cette opportunité pour tenter de me consacrer à la BD. Je tiens donc à remercier les ASSEDIC qui, même s’ils ne comprennent rien au monde de la BD, m’ont fait confiance et m’ont donné les moyens de monter mon premier projet, L’Albatros. J’ai alors pu démarcher les éditeurs et deux d’entre eux ont été intéressés : Glénat et Casterman. C’est chez Glénat que cet album est paru en 2006.

 

 

Un premier album qui met en scène un grand dirigeable et qui nous conduit à parler des engins volants, une autre de vos passions.

 

Plus jeune, je voulais être pilote de ligne, mais ma vue était trop mauvaise pour ça, alors j’ai dû me rabattre sur le pilotage privé.

Une passion qui remontait sans doute à tout ce que mon père avait pu me faire découvrir et me raconter quand j’étais tout petit. Nous passions presque tous les jours près d’un terrain d’aviation et mon père me décrivait tous les avions, me faisait retenir leur nom… Le terrain était peu fréquenté mais il accueillait une importante activité d’entraînement militaire.

De retour à la maison, mon père me faisait lire Buck Danny et dessinait, sur un petit tableau au mur de ma chambre, les silhouettes des avions les plus remarquables. Victor HUBINON, qui était à la fois pilote et dessinateur de BD, était pour moi un modèle.

 

Parfois, la nuit, je me faisais embaucher pour aller garder les avions sur l’aérodrome. Ça me permettait de les voir de près et de les dessiner.

 

Quand, à mes 16 ans, mes parents m’ont proposé de me payer des cours de conduite accompagnée (de voiture, bien sûr), je me suis débrouillé pour leur rapporter les devis les plus élevés possibles afin, en parallèle, de leur montrer qu’un brevet de pilote de base ne coûtait pas plus cher. C’est ainsi que j’ai pu devenir pilote à 17 ans.

 

En 2000, une association de constructeurs amateurs reprend la construction d’un avion et me demande de dessiner son logo. Mon travail est repéré par les revues spécialisées Expérimental puis Aviasport – plus grand public. Ces magazines me demandent alors de réaliser des petites planches de BD – ce que je continue de faire encore aujourd’hui.

Un travail qui me permet de toucher à tous les domaines : l’humour, la sécurité, les anecdotes… De manière à sensibiliser les futurs pilotes.

Le rendu mensuel des planches m’a tout à la fois permis d’apprendre à me faire la main et à tenir un rythme.

 

Quand en 2006 sort L’Albatros, donc, je ne me sens pas encore prêt à dessiner des avions tout au long d’un album. D’où l’utilisation du dirigeable. Par contre, ce scénario est une métaphore de mon histoire personnelle, puisque à ce moment-là que je prends enfin mon envol !

 

 

La période, le XIX°s, ne semble pas anodine dans votre production, car vous y revenez dans d’autres albums par la suite.

 

En effet. C’est sans doute lié au fait que j’aime les gravures, notamment celles réalisées par Gustave DORÉ. Après cet album, on m’a donc catalogué « auteur sachant dessiner le XIX°S » !

 

Ceci étant, si, en 2008, je me retrouve embarqué dans la réalisation de l’École Capucine – qui se passe dans les années 1850 – c’est également pour une autre raison. Jean-Blaise DJIAN, qui à ce moment-là doit mettre de côté un projet commencé avec Régis LOISEL, développe cette histoire. Une histoire qui évoque l’imprimerie où travaillait mon père. Une manière pour moi, une fois encore, de mettre en image mon histoire personnelle et de rendre hommage à un lieu fort et emblématique…

 

Durant la réalisation de cet album, je suis contacté par Christophe ARLESTON et MELANYN, qui travaillent sur le projet Chimère(s).

J’avais eu l’occasion de rencontrer ARLESTON durant un festival, je lui avais montré L’Albatros et il s’était montré bienveillant, m’avait félicité. C’est sans doute pour ça qu’il a pensé à moi par la suite.

 

Pour L’École Capucine, j’ai accumulé beaucoup de documentation, notamment à travers les photographies d’Eugène ATGET (qui documenta les quartiers parisiens au tournant des XIX°-XX°s), et Albert ROBIDA (qui réalisa des centaines de gravures sur la vie dans les provinces françaises).

Je voulais continuer à profiter de cette masse de documents et Chimère(s) est arrivé à point nommé.

 

Cette histoire était au départ un projet de série qu’ARLESTON et MELANYN avaient développé pour les Studios Canal + : Maison Close. Le scénario, très détaillé, très cadré, avait plu à la maison de production. Mais pas le personnage principal. Alors que le duo de scénaristes s’était, justement, inspiré des carnets écrits par les prostituées de l’époque…

Ils ont donc refusé de modifier leur scénario et l’ont proposé à Glénat, qui a accepté de signer une série en 6 tomes.

6 tomes ! Quand on doit attaquer un projet d’une telle ampleur, c’est un peu effrayant ! Mais le fait de travailler avec un scénariste de renom m’intéressait, me motivait, et je savais que cela me ferait progresser.

 

J’ai alors procédé à des petits changements techniques pour dessiner l’architecture parisienne : je suis passé de la plume au Rotring et j’ai fini par me décider à utiliser une règle…

En commençant le premier album, j’avais conscience de mes failles, que je comptais bien combler au fil des pages. Et j’ai décidé de déléguer le traitement de la couleur car je savais qu’il me prendrait trop de temps.

 

En parallèle de ces BD grands publics, j’ai dessiné des petits bouquins que je vendais lors des meetings aériens, à un public complètement différent. Mais c’est un public d’amateurs de BD : beaucoup de pilotes font se métier parce que, plus jeunes, ils ont lu des BD sur le sujet !

L’avionneur Dassault m’avait également commandé une planche de BD pour le départ à la retraite d’un de ses personnels…

Bref, je dessinais de plus en plus d’avions…

 

 

Ce qui nous amène à votre dernier album, Liberty Bessie, qui semble réunir toutes vos passions, enfin !

 

En effet.

Tout est parti d’une envie de retravailler avec Jean-Blaise DJIAN. Je lui ai donc demandé de m’écrire une histoire d’aviation, domaine dans lequel il n’y connaît absolument rien. Je lui ai alors apporté le concept : les pilotes noirs américains qui, dans les années 1940, volaient auprès des pilotes blancs dans un anonymat presque total. Une histoire folle et vraie, un projet porté à l’époque par un officier noir qui voulait monter une école pour que des noirs puissent devenir pilotes. L’armée lui a offert une possibilité unique, qu’il a saisie. Il a fait appel à une bande de volontaires motivés qui ont tous réussi. Basés en Afrique du Nord, ces pilotes escortaient les bombardiers – on ne leur confiait surtout aucune initiative – pour effectuer des raids sur l’Italie. La pression sur leurs épaules était énorme, mais ils se sont montrés redoutablement efficaces. Les pilotes des bombardiers finirent par exiger d’être accompagnés par ces « Red Tails » – qui avaient repeint en rouge la queue de leurs avions.

Le prénom de notre héroïne, Bessie, est un hommage à une femme pilote afro-américaine des années 1920, Bessie COLEMAN.

 

 

Vous vous êtes donc affranchi de votre peur de dessiner des avions tout au long d’un album ?

 

Oui, notamment parce que j’ai fini par trouver le bon outil ! Un simple stylo BIC bleu et un crayon à papier, puis je réalise la couleur à l’ordinateur.

 

 

Pourquoi avoir pris le temps, cette fois, de réaliser vous-même la couleur ?

 

Parce que je ne me voyais pas la confier à quelqu’un d’autre, à quelqu’un n’ayant jamais piloté d’avion. Les traces d’usure sur les carlingues, les ciels, les nuages surtout… Il faut voir vu ça de ses propres yeux pour les restituer sur le papier !

 

Je voulais toutefois éviter une histoire trop technique, je voulais une histoire grand public réunissant mes passions : la BD, donc, l’aviation, bien sûr, mais aussi l’aventure, les paysages, les voyages… Je suis un grand voyageur – je navigue, en plus de voler – et j’ai déjà rempli de nombreux carnets de voyage…

Bref, avec Liberty Bessie, je me dis que je tiens peut-être l’occasion de réunir mes deux publics. Sans aucune volonté de surfer sur « l’effet de mode » qui peut sembler exister autour de l’aviation en BD : je fais ce qui me plaît, avant tout.

 

 

Quel avenir pour Liberty Bessie ?

 

Nous avons pour l’heure prévu une aventure en 2 tomes. La critique et l’accueil sont plutôt bons et l’Armée de l’Air va parrainer le prochain album. Ce tome 2 – dont j’ai déjà réalisé la moitié - devrait sortir au printemps 2020.

 

Qui sait si, par la suite, je n’irai pas envoyer Bessie dans d’autres régions du monde… L’Indonésie ? L’Amérique du Sud ?

En tout cas, je suis fasciné par les femmes pilotes et je me verrais bien leur consacrer toute une série de biographies en BD...

Partager cet article
Repost0

commentaires