/image%2F0552465%2F201306%2Fob_7076f7063040301ca693f545afdc69cf_fleep-couverture.jpg)
"J'étais sur le point d'appeler Jenny pour lui dire que j'allais être en retard, c'est tout ce dont je me souviens."
Juste avant ?
Noir.
Encore un peu avant ?
L'entrée dans une cabine téléphonique, le plafonnier qui s'allume quand la porte se referme, puis noir, donc.
De nouveau Jimmy repousse la porte et les ténèbres.
"Derrière la porte se trouve un mur de béton."
Béton devant, derrière, dessous, et sans doute dessus.
Notre quidam amnésique est bel est bien prisonnier d'un espace de 8 x 9 x 33 envergures de main/cube.
Oui, il a le sens de la mesure - géométrique, en tout cas - et du calcul, qu'il s'agisse de connaître son volume respiratoire, le temps qu'il peut tenir sans aide extérieure, ou la distance séparant sa cabine d'une éventuelle autre cabine.
Cabine qui a été rebaptisée par l'incident : "TELEPHONE" est devenu "FLEEP".
D'une manière générale, les mots que Jimmy peut rencontrer - dans l'annuaire, dans une lettre écrite de sa main trouvée au fond de sa poche, sur les 3 pièces de monnaie y traînant aussi - sont ceux d'une langue inconnue ("Tenindrak nats arnik !") dont il finira par déterminer l'origine (je vous laisse deviner comment).
Exiguïté, asphyxie en embuscade : Jimmy Yee, aussi méthodique et persévérant soit-il, réussira-t-il à prévenir les secours et à tenir jusqu'à leur arrivée avant que la folie le gagne ?
Mais toute cette situation improbable n'est-il elle pas la preuve qu'elle est déjà bien installée et à l'oeuvre ?
Jason SHIGA - découvert il y a quelques temps à travers son dense et oubapien Vanille ou Chocolat ? - réussit avec Fleep le tour de force de nous plonger dans un univers improbable et de nous le faire accepter grâce à la méthode et au sérieux tout scientifique de son protagoniste.
Sans doute aidé par son cursus de mathématicien, l'auteur parvient en effet, avec un rythme soutenu et presque haletant, à rendre crédible ce qui est arrivé à Jimmy, en s'appuyant sur sa lucidité, sa débrouillardise, son assurance, et une certaine dose d'espoir qu'il anime. Celui de revoir Jenny.
Nous suivons donc avec attention de "flip" cauchemardesque dont nous aimerions sortir en même temps que le héros, et découvrons avec bonheur chaque nouvel indice et chaque nouvelle utilisation qu'il va pouvoir en faire.
Jamais huis-clos n'aura été aussi rondement et rapidement mené, jamais sens de la déduction n'aura été mis au service de plus étrange situation.
Auteur rare et exigent, Jason SHIGA fait partie de ces orfèvres de l'improbable dont il faut suivre les créations avec attention.
Prochaine étape pour explorer plus avant ses univers déjantés : Bookhunter.
Ca promet.
Champi chasseur