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PrÉSentation

  • : La Tanière du Champi
  • : La Tanière du Champi se veut un lieu où l'on se sent bien pour lire (surtout des BD !), discuter, jouer... Au gré des humeurs, lectures, heures de jeu, j'essaierai de vous faire découvrir tout ce qui se cache sur les étagères poussiéreuses de ce petit mo
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Cases dans le vent

Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis quelques mois, je rédige des biographies d'auteurs de BD pour des l'encyclopédie en ligne des Editions Larousse.

Afin de vous permettre de retrouver plus rapidement l'ensemble de mes contributions, je vais essayer de les lister ici dans l'ordre de leur parution.

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser vos avis !

Champi à tout vent

David B. - Edgar .P. JACOBS - Bob de MOOR - Benoît PEETERS - François SCHUITEN - René GOSCINNY - Astérix - Manu LARCENET - HERMANN - Robert CRUMB - Osamu TEZUKA  - Jean-Pierre GIBRAT -





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14 août 2017 1 14 /08 /août /2017 18:07

"Argentine, 1925.

Je savais qu'elle m'aurait.

La Pieuvre n'oublie jamais.

Les seules inconnues étaient où et comment... Eh bien voilà.

Un enfant, un flingue et c'est fini, tout s'arrête ici.

Ici, je n'appartenais plus à cette mafia. J'avais ma vie.

Eveillée, consciente.

La vie de Gustave Babel...

Et maintenant je meurs..."

La Pieuvre ? Une organisation criminelle parisienne tenue par le Nez, l'Oeil, la Bouche, l'Oreille. Gustave Babel travaillait pour elle, tuait pour elle. Car la Pieuvre sait tirer parti des Talents de ceux qu'elle emploie.

Son Talent ? Parler toutes les langues du monde. Toutes. Sans accent (sans doute, mais allez entendre, entre les pages !), instantanément, avec aisance. De quoi être un parfait passe-partout, un parfait citoyen du monde, un parfait anonyme aussi. Difficile d'exister vraiment, dans te telles conditions.

Que faisait-il en Argentine, en cette année 1925, ce polyglotte de Babel ? Il se cachait. Pour échapper à la Pieuvre, qu'il avait décidé de fuir. Pour échapper aux cauchemars qui le poursuivaient depuis 1913. Peut-être surtout pour laisser derrière lui le terrible passé qui l'avait façonné. Car on ne dispose pas d'un tel Talent impunément.

Argentine, Angleterre, France, Egypte, Allemagne... Les lieux se bousculent autant que les époques alors qu'une carte sanglante se dessine sur sa poitrine. La mort lui laisse le temps de faire le point sur les décennies qui ont changé sa vie - et lui en ont fait changer un paquet, aussi.

Une vie éparpillée comme le fut longtemps sa mémoire. Une vie soumise aux ordres, à la violence et aux cauchemars. Une vie en partie soutenue par la poésie. Baudelaire. "Quand on lit des livres sales, on fait des cauchemars." La beauté n'est décidément pas à la portée de tous. "Par-delà le soleil, par-delà les éthers / Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides."

Un envol permis et accompagné par les "morts qu'il n'a pas tués" et qui le hantent comme autant de bornes jalonnant la route vers son passé. Un fou, un enfant, un homme entre deux âges, un incendie, une noyade, un arbre dans un champ et ces pierres tombales à perte de vue...

 

Comme vous l'aurez compris, rien d'évident dans La Malédiction de Gustave Babel : le temps, l'espace, le rêve, la réalité composent un vaste puzzle dont l'agencement même relève d'une forme de poésie - graphique, narrative, elliptique.

GESS, que l'on connaissait surtout comme dessinateur (je vous en ai souvent parlé ici à travers sa magistrale Brigade Chimérique avec Serge LEHMAN - qui signe la préface) nous livre ici une histoire dense et complète qui navigue dans les mêmes eaux que La Brigade : une époque, des milieux, l'art et le fantastique, un cocktail parfaitement dosé qui nous fait voyager, nous intrigue, nous absorbe. Les nombreux allers et retours dans le temps et à travers le monde ne nuisent en rien à la lisibilité, servis par des tonalités chromatiques savamment travaillées.

On retrouve le dessin souple et parfois sauvage mis au point dans La Brigade, loin de la netteté de Carmen McCallum : parfois peu de détails, des formes toujours mouvantes - à commencer par la tentaculaire chevelure du héros - et des noirs, des noirs, tantôt profonds, tantôt charbonneux, qui soulignent aussi bien les tourments que la noirceur de l'histoire.

Au-delà de ce seul personnage dont il reconstruit la vie, GESS nous livre un univers dense, pour partie insaisissable, qui fait écho à la riche littérature policière et/ou fantastique déjà évoquée, abordée, enrichie dans La Brigade : une organisation criminelle internationale, des tueurs aux étranges Talents, des dizaines de vies croisées et entre-croisées et la richesse sans fin de l'onirisme et du vaste champ de la mémoire.

A peine ce titre refermé que nous voulons en savoir plus, découvrir d'autres vies, d'autres Talents, d'autres histoires. Que Babel ne soit qu'une porte vers mille tomes encore, comme le serait la Tour ou la nouvelle borgésienne éponymes.

Cela tombe bien : l'album est sous-titré "Un récit des contes de la Pieuvre". Ne nous reste donc plus qu'à attendre le prochain conte, en espérant que l'attente ne soit pas trop longue.

Remercions enfin les éditions Delcourt pour le magnifique écrin qu'elles ont offert à l'histoire : une couverture épaisse, soyeuse, où texte et image se découpent en relief ou en creux. Une touche de bibliophilie bien assortie à l'époque mise en scène.

Immersion totale aux côtés de la Pieuvre. Vivement la prochaine plongée.

Champimages denses qui dansent.

 

La Malédiction de Gustave Babel*
La Malédiction de Gustave Babel*
La Malédiction de Gustave Babel*
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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 16:19
Mexico sur Garonne
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7 août 2017 1 07 /08 /août /2017 00:10

Des corps décalés, décollés, entortillés, oubliés. La poussière, les flaques, les rebords, les déséquilibres.

Sous couvert d'humour, Mark JENKINS passe les villes aux rayons X des poussières balayées par le vent.

Washington D.C.

 

Mark JENKINS - City
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25 juillet 2017 2 25 /07 /juillet /2017 18:34

Si d'aventure vos pas vous conduisent un jour à Villefranche de Rouergue - sans doute pas par hasard ! - cherchez, au bord de l'eau, l'atelier Hors Cadre impressions : un grand espace qui sent bon l'encre fraîche et les idées bouillonnantes, qui expose aussi bien ses images que ses rouages, toute la chaîne de réalisation d'une sérigraphie ou de gravures plus traditionnelles.

C'est beau, c'est grand, c'est intéressant, et l'accueil y est aussi chaud que bon.

De quoi donner envie de mettre un peu les mains dans le cambouis !

 

Hors Cadre impressions
Hors Cadre impressions
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24 juillet 2017 1 24 /07 /juillet /2017 10:18
Partir en Livre à Toulon - Eté 2017
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9 juillet 2017 7 09 /07 /juillet /2017 09:10

"Ce sont des êtres d'exception, Watson, et la justice ne peut s'appliquer dans leur cas.

Voilà donc l'original point de vue défendu par le célèbre Sherlock Holmes : on ne peut traiter comme les autres les "êtres d'exception" - en l'occurrence deux coupables prêts à se sacrifier l'un pour l'autre en endossant la responsabilité du meurtre d'un homme bien peu fréquentable.

Le plus célèbre détective des mondes littéraires (avec ou sans images) aurait donc de la justice une image en demi-teinte...

Rien d'étonnant pour un maître du déguisement, du semblant et des faux-semblants, qui se retrouve ici aux prises avec une autre célébrité de l'époque (l'Angleterre victorienne) : Jack l'Eventreur lui-même.

Sollicité par Scotland Yard qui demeure impuissante face au tueur des prostituées de White Chapel, Holmes et son éternel acolyte le Docteur Watson s'en vont donc fouler le sale pavé du sordide quartier londonien pour essayer de démêler le labyrinthique mystère tissé par celui qui disait écrire et agir "depuis l'Enfer" (From Hell, comme le rappellerait Alan MOORE).

Michael DIBDIN, auteur du roman originel, décide, en 1978, de faire se rencontrer ces deux monuments de l'Histoire et de la littérature. Une idée alors plutôt originale qui plonge le lecteur dans une spirale infernale : qui est qui ? Qui fait quoi ? En invitant dans cet imbroglio la figure de Moriarty, l'auteur sème les ultimes pincées de confusion totale. Holmes, toujours aussi extrême et enclin à la paranoïa, voit partout la marque de l'(invisible) empereur du crime. Watson, qui a toujours défendu son ami et mentor, ne sait plus que faire ou qui croire. Et le lecteur de se retrouver baladé avec de moins en moins de certitudes.

Le tout sous l'égide de Sir Arthur CONAN DOYLE lui-même qui, par sa présence au sein du récit, finit de jeter le trouble : fiction et réalité ne font plus qu'un. Et si tout cela n'était qu'un livre...

 

L'adaptation en bande dessinée qu'en proposent Olivier COTTE et Jules STROMBONI en 2010 est à double tranchant.

Graphiquement, elle offre des visuels et des mises en page magistrales [j'accorde avec le groupe nominal le plus proche, NDLR ;)], directement inspirées par les gravures et journaux du XIX°s. Le trait est sur-expressif à souhait, les hachures rehaussent ambiances et silhouettes "à la manière de", et le traitement des couleurs - en petits points juxtaposés - nous replonge dans les années "journaux à bon marché". L'époque transpire jusque dans la forme avec brio.

L'histoire est rondement menée, sans temps morts, avec ce qu'il faut de questions sans réponse pour que les lecteurs soient tenus en haleine. Les dialogues sont enlevés, les ruptures de rythme efficaces, et les pleines pages ménagées par le récit offrent de vrais morceaux de talent graphique.

Mais... car il y a un mais : ce qui était original en 1978 ne l'est plus quarante ans après (déjà). Holmes et Jack l'Eventreur se sont déjà croisés (au cinéma notamment, et ce dès 1965 !) et la confusion qui peut régner entre le plus célèbre des détectives et sa némésis Moriarty a déjà éclos dans bon nombre d'adaptations.

Le jeu des faux-semblants finit même par tirer un peu trop sur la corde dans les dernières pages.

 

Plaisant à lire pour ceux qui aiment les excès mégalomanes du locataire du 221b Baker Street et les affaires improbables (évoquées à plusieurs reprises au fil des pages), L'Ultime défi de Sherlock Holmes, malgré ses qualités graphiques et son rythme prenant, souffre d'un manque d'originalité scénaristique. C'est dommage.

Il reste malgré tout une belle pierre à l'édifice de la collection Rivages/Casterman/Noir, à ranger aux côtés de l'adaptation du Dahlia Noir ou de Trouille.

 

Champimages en demi-teintes.

 

L'ultime défi de Sherlock Holmes*
L'ultime défi de Sherlock Holmes*
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4 juillet 2017 2 04 /07 /juillet /2017 16:02

Voici le compte-rendu de la table ronde animée l'été dernier avec Renaud NATTIEZ et Jean-Marc PONTIER autour de leurs deux ouvrages sur HERGE et Tintin.

Merci à eux pour leur pertinence et leur acuité, pour leur patience et leur motivation.

Bonne lecture !

 

Quels sont vos souvenirs marquants des premières lectures des aventures de Tintin puisque, à vous lire, tout part de la lecture qu’on a pu en faire enfant ?

Renaud NATTIEZ : Le Journal Tintin indiquait qu’il était destiné aux lecteurs de 7 à 77 ans. Mais son lectorat allait bien au-delà et de nombreux enfants le parcouraient, le « lisaient » sans savoir lire. J’avais quatre ans quand l’Île noire m’est tombé entre les mains. Le château, le gorille, m’ont alors extrêmement impressionné.

Je pense que si de nombreuses personnes sont encore réfractaires à cet univers, c’est peut-être parce qu’elles ne l’ont pas découvert du temps de leur enfance.

Jean-Marc PONTIER : je devais avoir cinq ou six ans lorsque j’ai lu Tintin en Amérique, que l’on m’avait offert. Je me souviens encore des premiers mots de l’album : « Nous voici à Chicago », ainsi que des différents mots en anglais que l’on pouvait y trouver.

Les couvertures jouent également un grand rôle, par leur impact, dans la manière et la force avec lesquelles ont replonge en enfance simplement en les voyant.

 

Qu'est-ce qui vous a poussés à réaliser vos démarches et ouvrages alors qu'il en existe déjà tant sur Tintin ?

JMP : j’ai toujours été fasciné par le thème de la mémoire. Pourquoi se souvient-on autant de ses lectures de jeunesse ? Peut-être parce qu’elles sont plus profondément ancrées en nous.

Pourtant, j’ai découvert d’autres œuvres à la même époque, mais aucune ne m’a autant marqué que les aventures de Tintin. Je voulais savoir pourquoi.

Enfin, HERGÉ sollicite constamment les lecteurs tout au long des albums, il en fait ses complices. Ce rapport entre auteur et lecteur a été rarement étudié dans la bande dessinée.

C’est pour toutes ces raisons que je me suis plongé dans l’étude des Aventures de Tintin sous cet angle-là. Un travail qui m’a demandé près de vingt ans !

RN : lorsqu’on regarde les catalogues de la Bibliothèque Nationale de France, on peut constater qu’ HERGÉ est l’auteur au sujet duquel existe le plus de titres déposés, tous supports confondus. Vouloir en écrire un nouveau ne peut donc se faire de manière anodine.

Pour ma part, c’est un sujet que je mûris depuis bien longtemps : comment expliquer le succès de Tintin, un succès qui ne se dément toujours pas aujourd’hui ? Et un succès international, qui plus est, sauf aux Etats-Unis ?

De plus, depuis tout petit je voulais comprendre pourquoi les Aventures de Tintin suscitaient autant la relecture.

Enfin, alors que j’étudiais la philosophie dans les années 1970, j’ai abordé la dialectique de PLATON à travers le découpage que GOLDSMITH a fait de la structure des Dialogues. J’ai souhaité transposer cette méthode à l’oeuvre d’HERGÉ . J’ai ainsi fait émerger une structure assez répétitive, donc rassurante pour les lecteurs. Une structure qu’ HERGÉ met en place à partir de Cigares du pharaon.

 

Vos ouvrages se concentrent presque exclusivement sur une tentative d'expliquer le succès de Tintin, à travers le langage ou à travers la structure. Comment avez-vous choisi cet angle d'étude et qu'avez-vous découvert ?

RN : Les aventures de Tintin cumulent de très nombreuses spécificités :

- une grande lisibilité du trait

- des histoires dans lesquelles des personnages récurrents font des retours réguliers (un peu comme chez BALZAC), personnages qui ont une vie en dehors des albums (HERGÉ vivait ces vies parallèles !), ce qui confère une crédibilité unique à l’oeuvre : HERGÉ a créé tout un monde.

- un héros auquel il est très facile de s’identifier : Tintin a le visage lisse et reste un personnage ordinaire.

- un objectif moral très clair, très boy-scout : la recherche du Bien.

- la multiplicité des niveaux de lecture.

Autant d’éléments qui ont façonné le succès de la série. Il me semblait intéressant d’en aborder un nouveau.

JMP : mon approche est beaucoup moins structuraliste que celle de Renaud. Elle part d’une anecdote : quand Tintin façonne une trompette pour pouvoir communiquer avec un éléphant. Et je me suis rendu compte que cet « éléphant » pouvait faire écho à « l’enfant » avec lequel Tintin communique aussi, tout au long des albums.

L’éléphant est un animal associé à la mémoire : il s’agissait pour moi d’explorer la mémoire lectorielle. Elle intervient par exemple à travers des situations récurrentes et des conséquences différentes. Ainsi, quand survient une mise en danger, la manière de le surmonter est toujours différente.

C’est en quelque sorte, de la part d’HERGÉ, un jeu sur les variations. Ce jeu interpelle le lecteur qui, de son côté, s’interroge sur leurs éventuelles issues.

Cette mémoire lectorielle peut également s’observer à travers les références de bas de page, qui renvoient à d’autres situations, d’autres aventures. Elles sont de moins en moins nombreuses au fil des albums, sans doute car les lecteurs étaient devenus parfaitement familiers de l’univers de Tintin.

RN : la richesse des détails est une autre caractéristique de l’oeuvre d’HERGÉ . On en découvre toujours de nouveaux, malgré les nombreuses relectures. Je n’ai moi-même remarqué que très récemment l’épisode de la confusion entre le stylo et la petite cuillère dans L’Oreille cassée ! HERGÉ était discret dans le détail, ce qui n’empêchait ni leur qualité ni leur quantité.

Un de mes personnages préférés illustre cette discrétion : c’est le Docteur Triboulet, que l’on rencontre dans L’Oreille cassée. Tout est subtil dans ce personnage et dans son rapport avec son secrétaire.

 

Et toi, Jean-Marc, as-tu un personnage préféré dans la série ?

JMP : j’aime beaucoup le Tintin de L’Île Noire, car c’est le parfait anti-héros, qui passe son temps à subir les événements.

J’ai également beaucoup d’affection pour le Professeur Tournesol. Pas celui d’Objectif Lune, qui m’ennuie, mais celui du Trésor de Rackam le Rouge, qui est génial car catastrophique !

Ce sens du détail qu’évoque Renaud fait que Tintin ne peut avoir que des lecteurs attentifs.

RN : le Professeur Tournesol est un personnage multi-cartes.

Séraphin Lampion est lui aussi très intéressant car la force du réalisme qui se dégage de lui évoque forcément quelqu’un de précis aux lecteurs.

JMP : le Verbe est lui-même terrain de reconnaissance. Les injures du capitaine Haddock, par exemple : nous les répétons sans forcément en connaître le sens ! Le mot lui-même est devenu un matériau à part entière. A chaque occurrence, il nous renvoie à l’expérience que l’on a déjà pu en faire.

Le Professeur Tournesol est un personnage fondamental dans le rapport aux mots : il est le lien entre le Verbe et la surdité.

De leur côté, les Dupondt suivent le modèle lié à la gémellité : leur langage procède par la surenchère et la tautologie. Leur langue est comme leurs raisonnements : elle tourne en rond.

Dans les Aventures de Tintin, la ligne et le Verbe ont un impact fort sur le lecteur.

En définitive, dans ce domaine comme dans bien d’autres, Tintin reste le personnage le plus aseptisé.

RN : chez HERGÉ, c’est un peu comme chez MOZART : « tout n’est que variations et répétitions ».

Dans les Aventures de Tintin, tout tourne autour du thème de l’ascension vers le Bien. La structure est à peu près toujours la même : une scène de la vie quotidienne, un fait anodin, un départ en voyage, un dénouement, un épilogue. Ce sont des invariants structurels.

Cela explique peut-être pourquoi HERGÉ n’a pas apprécié l’histoire de Tintin et le Thermozéro, scénarisée par GREG : parce qu’on n’y retrouve pas ces invariants structurels.


Vous évoquez tous les deux et à plusieurs reprises certains rapprochement avec la musique : pouvez-vous nous éclairer là-dessus ?

RN : HERGÉ préférait la peinture à la musique. On le voit d’ailleurs surtout tourner la musique, à travers l’opéra, notamment, en dérision.

Cela explique peut-être pourquoi Milou, au fil des albums, passe de la parole au silence.

JMP : Les Bijoux de la Castafiore est le seul album dans lequel la musique joue un rôle central. Mais elle n’y occupe qu’une fonction purement narrative.

C’est un peu différent lorsque Tintin va écouter les Tsiganes chanter autour du feu : les bulles sont colorées et la scène dégage beaucoup de nostalgie.

En revanche, la structure des albums à quelque chose de musical, par ses variations, ses leitmotivs…

 

Comment s'est passé, se passe et se passera l'après-Tintin / l'après-Hergé ?

 

RN : le fait qu’il n’y ait pas eu de nouvel album depuis quarante ans entretien la force du mythe, contrairement à toutes les séries qui ont eu des suites après la mort de leur créateur.

Pourtant, avec l’Alph’Art, HERGÉ nous a laissé une dernière image forte qui semble clore l’oeuvre : la mort de Tintin et le triomphe du Mal. D’ailleurs, le journal Libération du 5 mai 1983 annonçant le décès d’HERGÉ voit Tintin mourir avec son créateur.

Le débat demeure toujours quant à une éventuelle reprise de la série, mais :

- HERGÉ ne le voulait pas

- il était le seul à connaître la vie de tous les personnages de la série

- il a fait mourir Tintin dans l’Alph’Art.

JMP : les enfants lisent moins, et lisent moins les Aventures de Tintin. Mais ceux qui le lisent le lisent bien. Le Tintin « moderne » a été concurrencé par les mangas.

On reproche souvent à HERGÉ la qualité de la dernière Aventure de Tintin, Tintin et les Picaros. On lui attribue d’ailleurs parfois la désaffection de son œuvre par le public. Or, c’est un album que, pour ma part, j’ai beaucoup aimé, notamment par la charge politique qu’il comporte.

RN : les derniers albums portent tout de même les stigmates d’une certaine lassitude. HERGÉ mettait de plus en plus de temps pour finaliser les histoires, les méchants devenaient de plus en plus ridicules, la ligne claire se brisait… Tintin lui-même était toujours plus passif !

 

Dans un tel contexte, l'universalité du personnage et de la série peut-elle durer encore longtemps ?

RN : je suis sceptique quant à la longévité de la série pour les quarante prochaines années. Au mieux, la série pourrait devenir un classique, comme BRASSENS et ses chansons.

Tintin porte trop la marque du XX°s, en matière de mode, de technologies… Il est donc bien trop daté pour les nouveaux lecteurs auxquels, en définitive, il n’évoque rien.

Son succès pourrait être relancé par une bonne adaptation cinématographique, mais l’histoire nous a montré que ce n’était pas possible. L’idée de Steven SPIELBERG pour Le Secret de la Licorne était bonne mais n’a pas été couronnée de succès.

JMP : l’oeuvre persiste également beaucoup grâce aux produits dérivés. Dans quarante ans, Tintin sera-t-il l’objet d’une certaine culture archéologique ?

N’oublions cependant pas qu’on lit toujours du BALZAC, cent cinquante ans après. Les Aventures de Tintin comportent une vitalité telle qu’elle peut porter un lectorat. Une vitalité nourrie d’une vérité générale et narrative, ainsi que de valeurs et de repères qui vont perdurer.

RN : dans la mesure où Tintin ne suit pas la mode, il ne peut pas se démoder ! Un peu comme BRASSENS, pour reprendre mon parallèle, qui n’était pas un chansonnier de son époque. Tintin ne se réfère à aucune actualité, à aucun personnage historique de « son temps ».

 

Public : Que reste-t-il à dire sur Tintin ?

JMP : l’angle narratologique n’avait presque jamais été abordé. Ceci étant, il est vrai qu’écrire un nouveau livre sur Tintin est toujours une gageure tant il y en a déjà eu. Trop eu. Pour ma part, ma priorité était avant tout dans le plaisir de la réalisation de ce livre.

RN : certains thèmes sont battus et rebattus, concernant Tintin, et suscitent toujours de « nouveaux » débats : le racisme, le sexisme du personnage et de la série. L’exposition à venir au Grand Palais, à Paris, va elle aussi considérablement saturer l’espace médiatique.

Tintin - Les raisons d'un succès - Table ronde du 27 août 2016 à Solliès-Ville
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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 10:50

Qi BAISHI (1863-1957), Crevettes en train de nager (1947)

La grâce d'un petit bain d'encre
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26 juin 2017 1 26 /06 /juin /2017 19:10

Dernier rendez-vous mensuel pour 2016-2017 jeudi 29 juin 2017 à partir de 19h30 à La Table de Lilith, rue Paul Lendrin, pour profiter de la belle terrasse et de la bonne carte.

Au menu des lectures :

MILLER Frank & DARROW Geof, Big Guy and Rusty le garçon robot, ed. Glénat.

SAPIN Mathieu, Gérard, ed. Dargaud.

TROUB'S et DUMONTHEUIL Nicolas, La longue marche des éléphants, ed. Furutopolis.

KOIKE Nokuto, Mushroom, ed. Komikku.

BACHER Katrin & ALBA Tyto, Tante Wussi, ed. Steinkis.

VIVES Bastien, Une soeur, ed. Casterman.

 

Bonnes bulles !

 

 

 

Raging Bulles à Toulon le 29 juin 2017
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22 juin 2017 4 22 /06 /juin /2017 14:08

Lettres, photos, dessins, noir et blanc, couleurs mêlées, graphisme, design : un peu de tout cela mijote dans la marmite chromatique et colorées des Graphiquants 2.0, qui proposent des expos virtuelles ou réelles.

Pour le plaisir des yeux et des sens.

Ici, Abstract Geometry 12.

Les AirPosters des Graphiquants 2.0
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