Si l'article précédent évoquait une coïncidence, c'est parce que le jour de la visite de la Cathédrale d'images, j'ai achevé (enfin !) la lecture des passagers anglais, de Matthew KNEALE.
Récit au long cours - et pas seulement parce qu'il s'étale sur plus de 700 pages ! - les passagers anglais tisse des histoires au fil de l'Histoire, sous forme de chapitres croisés rédigés par des narrateurs successifs qui donnent chacun aux événements leur version et leur tonalité.
Soit le capitaine Illian Quillian KEWLEY, marin mannois fraîchement auto-promu capitaine de la Sincérité, et bien décidé à en faire la source première de sa fortune facile quoique peu licite. Mais dès les premières pages, pour un mot malheureux prononcé à bord, le destin semble se noircir, durablement...
Soit le révérend Geoffrey WILSON, homme d'Eglise féru de géologie, persuadé que les vestiges du Jardin d'Eden se trouvent... en Tasmanie (là, vous devez commencer à pressentir l'explication de la coïncidence sus-nommée...). Partageant ses vues avec un riche compatriote, il se retrouve à la tête d'une expédition destinée à changer la face du monde...
Soit Peevay, aborigène en proie aux "bienfaits" de la colonisation anglaise dès son plus jeune âge, et persuadé qu'un des moyens de combattre les envahisseurs est de les connaitre de l'intérieur. Héritant du persévérant (doux euphémisme) caractère de sa mère, il s'attèle donc à cette lourde et longue tâche...
De nombreux autres protagonistes émaillent cette vaste et riche fresque qui navigue des années 1820 aux années 1870, et qui se joue des destins et des existences avec malice et fatalité. Car la marche de l'Histoire, souvent à pas cadencé, est inéluctable.
Les péripéties s'enchaînent souvent avec humour, les prises de bec entre le révérend et le docteur Thomas POTTER, lui aussi embarqué à la recherche de l'improbable Eden, sont croustillantes, mais ce vernis souriant s'écaille souvent lorsque la voix des aborigènes se fait entendre.
Entre les craquements des branches de la forêt d'où on les chasse, et les pas des bagnards reconvertis en colons.
Intéressante leçon d'histoire en toute humilité, récit maritime presque haletant, en tout cas riche en rebondissements, kaléidoscope culturel... Les passagers anglais est donc bien plus qu'un simple roman. Presque un long voyage en fait...
"C'est difficile (...) d'avoir de l'amour dans un endroit de mort, car parfois on a l'impression que c'est perdu d'avance., et alors on n'ose pas s'abandonner à sa joie."
Champittéraire.