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PrÉSentation

  • : La Tanière du Champi
  • : La Tanière du Champi se veut un lieu où l'on se sent bien pour lire (surtout des BD !), discuter, jouer... Au gré des humeurs, lectures, heures de jeu, j'essaierai de vous faire découvrir tout ce qui se cache sur les étagères poussiéreuses de ce petit mo
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Cases dans le vent

Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis quelques mois, je rédige des biographies d'auteurs de BD pour des l'encyclopédie en ligne des Editions Larousse.

Afin de vous permettre de retrouver plus rapidement l'ensemble de mes contributions, je vais essayer de les lister ici dans l'ordre de leur parution.

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser vos avis !

Champi à tout vent

David B. - Edgar .P. JACOBS - Bob de MOOR - Benoît PEETERS - François SCHUITEN - René GOSCINNY - Astérix - Manu LARCENET - HERMANN - Robert CRUMB - Osamu TEZUKA  - Jean-Pierre GIBRAT -





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16 avril 2019 2 16 /04 /avril /2019 10:11

"Contrairement à ce que l'on peut croire, l'heure des apparitions et des esprits, ce n'est pas minuit mais midi, heure brûlante et pleine de lumière.

Quand, à l'heure la plus chaude, le chant des  cigales s'interrompt, cela signifie que le diable passe, et Gradiva apparaît à l'archéologue qui tient son asphodèle à la main, sous le soleil au zénith, avant de disparaître aussitôt.

Les soldats de l'expédition napoléonienne en Egypte abandonnaient la colonne en marche à la vue de pinacles et d'autres formes étranges à l'horizon, et le mathématicien Gaspard Monge dut bien vite trouver une explication à ce phénomène qui risquait de faire mourir les militaires de soif et de chaleur : le mirage.

J'ai du militaire la prédisposition naturelle à la discipline. Je dessine toute la journée, tous les jours, sauf généralement le samedi et le dimanche. Lorsque je ne dessine pas, je songe à ma bande dessinée, ou bien j'imagine de nouvelles façons de dessiner. Je pense à cet art comme à une activité d'introverti, primitive et mystique, dont les fruits mûrissent continuellement par l'exercice, comme les doigts de Glenn Gould sur le piano. Dans la pratique obsessionnelle de ce métier, les images apparaissent sur l'horizon de la feuille. En plein jour, sous la lumière de la lampe à dessin.

Ce gros livre rassemble les apparitions les plus convaincantes qu'il m'est arrivé de croiser dans mes récents travaux d'illustrateur. Certes, certaines d'entre elles sont plus "sur commande" que d'autres, étant davantage assujetties aux contrats et demandes éditoriales. Quoi qu'il en soit, même le travail le plus alimentaire n'est pas envisageable sans l'élan d'une vision indéfinie et lointaine, dont on tente de s'approcher pour en apercevoir les détails et puis de la fixer dans sa propre mémoire comme dans celle du lecteur.

Dans d'autres - c'est le cas des poésies choisies pour le supplément du dimanche du journal La Reppublica - j'ai l'impression d'avoir atteint, et pour un court moment habité, le mirage. Sur le blanc de la feuille, j'ai assisté comme dans un rêve éveillé à l'éclosion d'une histoire, j'ai connu des personnes mortes depuis longtemps, j'ai posé mon regard sur des paysages anciens. Puis tout s'est évanoui, laissant comme seule trace un paysage à la gouache de vingt centimètres par vingt. En les observant dans le flux imaginé par Francesca Luzzi pour ce livre, ils me sont comme étrangers, faits par d'autres mains et pensés par d'autres cerveaux.

Rien de plus normal. Ce sont des traces passagères. Le dessin m'a déjà rappelé à lui et, marchant droit, je continue l'exploration de son continent."

 

Manuele FIOR

L'heure des mirages
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5 janvier 2018 5 05 /01 /janvier /2018 10:27

"Je me souviens avec précision de la seule fois où j'ai entendu mon père et ma mère se disputer. C'était le dimanche 5 mars 1933, en début d'après-midi. J'avais cinq ans, et la neige tombait depuis le matin sur la petite ville de Zornfeld où nous habitions, à quelques kilomètres de Munich.

Ils se tenaient debout dans la grande pièce du magasin au milieu des instruments de musique, tandis que je jouais avec une voiture en bois, caché derrière un fauteuil. Mon père insistait :

_ Sois raisonnable, Liselotte. Lui seul peut sauver l'Allemagne... C'est notre dernière chance. Il va redonner du travail à tout le monde, on pourra enfin être fiers de notre pays."

 

Une nouvelle fois, la plume de Didier DAENINCKX fait mouche. Une nouvelle fois, PEF met son talent graphique au service d'une indispensable cause humaniste et de mémoire. Une nouvelle fois, les éditions Rue du Monde confirment leur rôle indispensable dans le monde de l'édition.

Papa, pourquoi t'as voté Hitler ? est un petit rappel simple, précis et percutant de l'implacable mécanique des extrêmes et de l'horreur. Ne jamais oublier comment elle commence... et où elle mène.

 

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28 septembre 2017 4 28 /09 /septembre /2017 08:52

Cela fait très longtemps que je veux vous parler de ce livre qui occupe, de fait, un coin de mon bureau, me toisant de sa couverture café.

Le temps qu'enfin je me décide, sa lecture n'est plus qu'un souvenir lointain. Qu'à cela ne tienne. A défaut de relecture, un refeuilletage suffira, d'autant que les mots sont écrinés (oui, placés dans un écrin, non mais) de superbes images.

"Au cours des vingt années qui ont précédé le grand nettoyage, des dizaines d'autres images sont venues enrichir la collection sans que je trouve le temps de les encadrer, de les protéger, avant de les exposer aux regards. Elles s'empilent dans des cartons à dessin où j'ai fini par les oublier comme ce paysage à l'encre de Chine de Heinz vor Furlau, un peintre dont j'ignorais tout. J'avais acquis cette oeuvre pour son support : la couverture d'un recueil de poèmes d'Achille Chavée dont ne subsistaient que quelques mots - "Ephémérides... Entre puces et ..." - cernés par les traits de pinceau. Une phrase de ce surréaliste belge, résistant de surcroît, qui combattit dans les Brigades internationales, m'a longtemps servi de devise : "Je suis un vieux Peau-Rouge qui ne marchera jamais en file indienne."

L'incendie criminel qui a détruit une partie de ma maison, et m'a obligé à la réfection des peintures, m'aura au moins permis de m'apercevoir que le peintre valait le poète sur lequel il s'était appuyé."

S'ensuit une longue enquête de Didier DAENINCKX lui-même dans laquelle, auteur devenu détective, il suit la piste de ce peintre inconnu, insaisissable voyageur de la première moitié du XX°s.

Entre les objets accumulés, aussi riches d'époques que d'espace, l'auteur remonte le cours du temps et de ses souvenirs et plonge dans les encres envahissantes du peintre allemand pour en suivre la trace et comprendre l'errance, la quête, la fuite.

Les mots sont précis, les souvenirs aussi, la richesse et la variété des références est vertigineuse mais, tels des îlots de stabilité, les encres de von Furlau permettent d'un peu se poser.

Des corps, des visages, des paysages. Un peu d'exotisme (en Papouasie), beaucoup d'horreur, la Première Guerre Mondiale ayant marqué au fer noir le peintre allemand.

Pour aider l'écrivain dans son impossible quête, outre un universitaire berlinois (Dietrich KRÜGER), l'inévitable Joe G. PINELLI, spécialiste de von Furlau, qui le suit et le compile depuis ses Féroces Tropiques.

La force et la matière des couleurs d'alors laisse ici place à la noirceur de Chine sur fond brun des vieux journaux auxquels von Furlau appuyait la course de son pinceau. Entre les courbes, les lignes, les regards, se glissent parfois des mots - ceux-là même qui autrefois avaient intéressé DAENINCKX - : journaux, prose, poésie, livres de comptes, cartes... l'allemand et le français alternant en toute irrégularité.

Peintre voyageur mais aussi récupérateur, von Furlau recycle son époque et lui donne un souffle nouveau et teinte ses oeuvres d'un brun couleur nostalgie.

Enquête autant que voyage, quête autant que vertige, le Tableau papou de Port-Vila offre une plongée aussi percutante que concise dans une h/Histoire en réécriture permanente, dans une semi-fiction (qui êtes-vous vraiment, M. von Furlau) qui revisite notre siècle d'une horreur à l'autre (des tranchées aux extrémismes qui incendient les maisons) malgré les instants de grâce en mots et en images.

Une oeuvre hybride à plus d'un titre, une découverte incontournable.

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14 juillet 2014 1 14 /07 /juillet /2014 16:53
Le Journal de Frankie Pratt*

"Chapitre I

Cornish, New Hampshire

1920

Au commencement...

Mère m'a offert ce journal [scrap book] pour mon diplôme de fin d'études secondaires.

J'ai trouvé la vieille Corona [une belle machine à écrire] de papa dans la cave. Des souris ont grignoté l'étui, mais elle marche encore !

J'ai commandé le mode d'emploi gratuit pour apprendre à taper. J'écrirai une page par jour."

Ainsi entrons-nous dans la vie de Frankie ("Je déteste Frances"), et vice versa : par quelques mots tapés à la machine et des images glanées de-ci de-là pour illustrer son propos.

Une vieille publicité, une petite annonce, un objet collé... donnent très vite à cet univers de papier une densité et une présence rarement égalés et nous entraînent dans un voyage dans le temps particulièrement réussi.

1920 : Cornish, New Hampshire.

1920-1924 : Université de Vassar

1924-1925 : Greenwich Village

Janvier 1926 : L'Atlantique

1926-1927 : Paris

1927-1928 : Cornish, New Hampshire

8 ans dans la vie d'une jeune femme que l'on rencontre à 18 et qui s'engage sur les chemins houleux de la voie et de la vie à suivre.

Que faire ? Avec qui ? Être infirmière comme sa mère ou s'engager dans les études qui lui permettront peut-être un jour de devenir l'écrivain qu'elle aspire à être ?

De qui accepter les élans du coeur ? De l'esprit ?

Des considérations somme toute assez terre à terre mais qui, replongées dans l'époque et dans le contexte (les années 1920, une jeune femme "de la campagne") prennent une certaine dimension.

Photos, lettres, objets, cartes à jouer... Frankie ne nous épargne rien pour nous faire partager au plus près cette époque où la femme commence à s'émanciper et où la société de consommation fait ses premiers vrais pas.

Toutefois, loin de se contenter de mode et de superflu, Frankie, amoureuse des lettres, nous entraîne également dans la presse new yorkaise (True Story, The New Yorker) et parisienne (Aero). De Greenwich Village à Montparnasse elle croise, de près ou de loin, la route de James JOYCE ou d'Ernest HEMINGWAY, donnant ainsi encore plus de corps à une histoire qui n'en manque déjà pas.

En effet, à travers un destin singulier (et individuel), Caroline PRESTON brosse le portrait de toute une époque, d'une sorte d'Âge d'Or précédent la crise de 1929 et les sombres heures qui suivirent.

Bien sûr, l'angle adopté est idéal et sans doute idéalisé, loin de la vie des hordes de miséreux et d'ouvriers qui trimaient dans les bas-fonds en ce temps-là, plus près de Gatsby que de Jack LONDON, mais le résultat conjugue élégance et traces documentaires avec un certain talent.

Le Journal de Frankie Pratt offre une belle expérience de lecture que son titre original, The Scrapbook of Frankie Pratt, met davantage en valeur : "roman (graphique)", comme l'annonce la couverture, il fait la part belle aux images et articles découpés et, de silhouette en mannequin, d'homme idéal en femme iconique, il concentre toute une époque en quelques pages et quelques vies.

Saluons au passage l'admirable travail de traduction réalisé pour les éditions NiL : il a su conserver à l'oeuvre toute son intégrité.

Petit parallèle pour finir : à quelques années près, Le Journal de Frankie Pratt fait presque écho à Seul le silence, de R.J. ELLORY, dans lequel je suis plongé ces temps-ci, et qui suit les traces du jeune Joseph, aspirant écrivain lui aussi, dans la campagne profonde des Etats-Unis de la fin des années 1930.

Autres temps...

Champittérature en images, donc inclassable...

Le Journal de Frankie Pratt*
Le Journal de Frankie Pratt*
Le Journal de Frankie Pratt*
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