Plus les ans passent, plus je râle après les multiples changements qui s'opèrent dans les pages de Fluide Glacial, vénérable pilier de l'humour en kiosque qui s'étiole avec l'âge.
Pourtant, deux de ses chroniqueurs les plus ancestraux résistent encore et toujours à ce qu'un vieux con comme moi - car il n'y a que les vieux cons pour penser ça,
c'est certain ! - appelle la "baisse de qualité du magazine" : Bruno
LEANDRI et Yves FREMION.
Le fait que tous deux portent la moustache a peut-être un rapport avec le fait que leur humour mâtiné d'érudition modeste n'a pas pris une ride, contrairement à
leurs mines grisonnantes.
Le fait qu'ils suivent les folles aventures du chantre de "l'umour" depuis de longues années n'y est sans doute pas étranger non plus.
Le premier nous régale, au fil de ses milliers de pages de ses Chroniques du dérisoires, d'anecdotes riches, pertinentes, troublantes, et résolument
authentiques qui confirment que le monde est bien plus barré qu'il n'y paraît. Il a également à son actif plusieurs centaines de nouvelles dont il savait nous régaler mensuellement, avec un sens
du brio (si, si) et de la surprise toujours renouvelés (sic). Espérons que les rendez-vous manqués de ces derniers temps (pas de nouvelle, bonne nouvelle ? Ben pour le coup, non !) ne sont que
temporaires.
Le second, entre un calembour foireux, une chronique postale aléatoire et des perles livresques, passe en revue, depuis le siècle dernier, et ce n'est pas rien,
tous les grands noms de l'humour dessiné, écrit, peint, gravé, photographié, ou autre.
Ce qui lui a permis de récemment évoquer André CHABOT, que je ne connaissais pas (ne perdons pas de temps ici à revenir une nouvelle fois sur
l'ampleur de mon inculture).
André CHABOT, donc, nécrosophe comme il se présente sur son site internet. Un peu comme Bertrand BEYERN,
autre familier des cimetières d'ici et d'ailleurs, que l'on croise moins sur la toile, mais plus souvent au Père-Lachaise (même s'il me semble se faire rare ces derniers temps. Espéront qu'il
n'ait pas poussé la coquetterie jusqu'à épouser son sujet de trop près !).
André CHABOT arpente les allées des champs élysées lapidaires. Appareil photo en main, oeil aux aguets, esprit vif et humour noir en bandoulière, il traque les
formes, les mots et les motifs avec précision et poésie (oui, la poésie, comme l'humour, se niche partout, en toute liberté, faisant fi de toutes les conventions. Par définition.). Il a compilé
plus de 160 000 photographies en différentes galeries thématiques (célébrités, érotisme, flore, faune...) ou géographiques (surtout en Europe, mais pas seulement).
A ses heures perdues, il réalise également des phantasmobjets qui jouent
sur les mo(r)ts et les formes
pour nous rappeler qu'il est important de rire de tout, surtout de ce qui nous effraie. Mon île des morts, Convoi funèbre (ill. ci-contre) ou Corbillard téléguidé ne
sont que la partie émergée de cet iceberg d'humour noir.
Artiste de tous les genres, André CHABOT a aussi réalisé des tombes et des urnes (funéraires, bien sûr), ainsi que des livres qui reprennent certaines de ses images
et de ses oeuvres.
Si le sujet peut vous paraître morbide (logique) voire malsain, osez franchir le pas - et le portail - pour constater que vivants et morts ont en commun le grand
éclat de rire qui fait frémir la faucheuse et qui, quand ne nous restent plus que les os sur les os, se fige pour longtemps dans le rictus moqueur qu'arborent les crânes défunts.
Rire jusqu'au bout.
Qui a dit que nous ne retournions qu'à la poussière ?
Champimages qui se moquent même du pire.