La Corse (sans doute), en été. Villages haut perchés, routes tortueuses, forêts majestueuses, et au fond de la vallée, une eau vive, une eau forte, une eau libre.
Temps et cadre parfaits pour une journée de canyoning.
Dernière tentative de réconciliation pour Luis et Juliette. Enfin, pour Juliette, surtout. Car Luis, qui "n'en a rien à faire du temps", ne se rend pas compte qu'il commence à perdre Juliette. Trop de temps à l'attendre, à attendre des mots et des moments qui ne viennent toujours pas. "Ce n'est pas dans nos projets."
Pas sûr que leurs compagnons de voyage puissent les aider à se retrouver : Yann, le guide, six mois moniteur de ski, six mois moniteur de canyoning, conjugue liberté et construction de couple. "Je garde le cap." Quant à Erika, Gilles et leurs deux fillettes, ils semblent former une famille idéale. "On l'a senti tout de suite. Y avait pas à hésiter."
Tout semble donc déjà joué pour Luis et Juliette... Et le lecteur pourrait se demander ce qu'il est venu faire dans ce parcours initiatique aquatique cousu de fil blanc.
Et alors, soudain, surgit le dessin... Ou plutôt la couleur. Le mouvement. Si l'on en croit son blog, Audrey SPIRY fait des films d'animation. Sans aucun doute. Tout est fluide, déformé, vivant... Les corps, et surtout la nature. Les éléments.
Soleil, vent, eau bien sûr. Surtout. Eau vivante, vibrante, courante, stagnante, rassurante, inquiétant, dévorante, enveloppante.
L'eau sous toutes ses formes, ses forces, ses couleurs, ses visages. Qui englue, qui nettoie, qui étouffe, qui sauve.
Face au courant contre lequel on ne peut rien, les corps se soumettent, se tordent, se déforment, se glissent, s'écrasent, mais finissent toujours par s'en sortir.
L'auteur, outre quelques clins d'oeil costumiers (Superman, Indiana Jones) se permet de soumettre ses personnages aux plus extrêmes déformations graphiques, à l'ombre parfois de BACON ou de PICASSO. Qu'importe le réalisme pourvu que les émotions soient.
Explosives, éclatantes, multicolores, décharnées.
La vaste palette chromatique fait écho au chaos qui habite Juliette.
De plus profond de la terre jusqu'à la petite lueur qui va croissant.
Attendue mais brillante renaissance.
"J'étais au bout du monde, et toi, de l'autre côté."
Brillant.
Des images au service du récit, de la force des éléments, du mouvement.
Tantôt gelée, poisseuse ou tendre, l'eau nous accompagne au fil des pages et nous effraie autant qu'elle nous rassure.
En s'affranchissant des canons classiques, Audrey SPIRY a su toucher au coeur de l'expressivité graphique.
Forte plongée dans les sensations par l'image.
A vous de vous y engouffrer.
Champimages qui vibrent.