Voilà une Maison Close qui semble bien mal porter son nom, tant elle est ouverte aux quatre talents : bâtie et décorée par les architectes RUPPERT & MULOT, elle a accueilli, le temps du Festival de la BD d'Angoulême, édition 2009, 31 auteurs (rien que ça !) de styles et d'horizons différents, venus se prêter au jeu du corps à corps graphique dans une atmosphère feutrée...
Tout n'est pourtant ni rose ni tendre autour de cette Maison Close, car bon nombre de dessinatrices et dessinateurs s'en sont donné à coeur joie pour dynamiter les lieux proposés : distributeur de billets, façades voisines, porte d'entrée - que Lewis TRONDHEIM garde avec son regard noir habituel - ou vestiaire, salon, escalier, chambres... Ainsi qu'une étonnante cave, galerie de l'inattendue finalement très logiquement à sa place ici.
Certains invités ne sont que de passage - le temps de quelques cases - d'autres squattent la Maison et les pages presque de bout en bout, tous en tout cas semblent prendre plaisir à occuper et déformer les lieux, et à provoquer d'improbables rencontres.
En vrac : KILLOFFER et Anouk RICARD, NADJA et François OLISLAEGER ...
L'histoire, en deux mots ? RUPPERT & MULOT, tenanciers du lieu - et initiateurs du projet - ont invité des auteurs hommes et femmes à se rencontrer, et plus si affinité, dans les chambres de la Maison Close. Mais bien sûr ça ne se passe pas aussi simplement...
Cet exercice de style - c'est le moins qu'on puisse dire ! -, nouvelle variante du cadavre exquis, est plutôt une belle réussite.
Graphiquement, chaque auteur garde son identité, sans pour autant créer un magma illisible. Effet homogénéisateur des décors de RUPPET & MULOT peut-être, ou habitude de notre oeil de voir coexister des images de plus en plus différentes - même si le noir et blanc quasi exclusif est sans doute lui aussi artisan de l'harmonie générale.
Il semble que tous les auteurs se soient bien amusés à participer à ce "méli-mélo" créatif, jouant parfois de la contrainte (ainsi, par le travestissement ou le déguisement, certains auteurs ne se montrent pas tels qu'on pourrait les attendre), souvent d'une grande complicité ( FRANTICO exhibant une effigie grandeur nature de ZEP, Florence CESTAC quelque peu malmenée par ses cadets) et dans tous les cas d'une bonne dose d'inventivité - on n'en attendait pas moins !
Si la trame est parfois un peu décousue, s'il y a des longueurs, le résultat est une belle réussite, collection de saynètes à travers lesquelles on attend chaque auteur au tournant : comment vont-ils, chacun à leur manière, habiter et transformer les lieux ? Comment vont-ils interagir ?
Bien sûr, c'est parfois - souvent ? - aux limites de la ceinture, mais l'ambiance étant résolument potache, il serait difficile d'en tenir rigueur aux organisateurs comme aux participants.
D'autant que les hommes, dans ce bordel multipolaire, semblent pour la plupart paumés, et les femmes prêtes à en découdre. De quoi quelque peu renverser les codes en vigueur dans ces maisons-là !
Impossible d'estimer le temps nécessaire à la réalisation d'un tel projet.
Illusoire d'imaginer l'exposition éponyme qui eut lieu durant le festival d'Angoulême cette année-là.
Mais remercions DUPUY & BERBERIAN - autre couple mythique de la bande dessinée - d'avoir invité RUPPERT & MULOT, et remiercions ces deux-là d'avoir répercuté l'inivitation à tous les autres.
Car le résultat est un livre à la fois beau, intéressant, et finalement jubilatoire, qui offre une élégante radiographie d'une certaine bande dessinée de ces années 2000, mêlant anciens et nouveaux venus, classiques et avant-gardistes...
Un chantier qui pourrait bien faire office de monument, en somme !
En prime, un petit lien vers un article rappelant que l'association Artemisia n'avait que moyennement apprécié l'initiative.
Et si vous souhaitez voir le hall de la Maison Close, et les commentaires compilés sur le site de RUPPERT & MULOT, c'est par ici.
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