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  • : La Tanière du Champi
  • : La Tanière du Champi se veut un lieu où l'on se sent bien pour lire (surtout des BD !), discuter, jouer... Au gré des humeurs, lectures, heures de jeu, j'essaierai de vous faire découvrir tout ce qui se cache sur les étagères poussiéreuses de ce petit mo
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Cases dans le vent

Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis quelques mois, je rédige des biographies d'auteurs de BD pour des l'encyclopédie en ligne des Editions Larousse.

Afin de vous permettre de retrouver plus rapidement l'ensemble de mes contributions, je vais essayer de les lister ici dans l'ordre de leur parution.

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser vos avis !

Champi à tout vent

David B. - Edgar .P. JACOBS - Bob de MOOR - Benoît PEETERS - François SCHUITEN - René GOSCINNY - Astérix - Manu LARCENET - HERMANN - Robert CRUMB - Osamu TEZUKA  - Jean-Pierre GIBRAT -





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5 mai 2012 6 05 /05 /mai /2012 15:46

Koma T1 - CouvertureMal étrange qui frappe la jeune Addidas depuis sa plus tendre enfance... en 4 lettres.

Koma.

Sans raison, sans explication, et sans crier gare, la petite brune aux grands yeux noirs tombe régulièrement dans les pommes. Ca dure de plus en plus longtemps et ça arrive de plus en plus souvent, comme peuvent l'attester les nombreux petits traits dans son petit carnet - deuxième du nom.

Il faut dire qu'elle ne mène pas une vie de tout repos, la petite Addidas Eme : elle passe son temps au fond des immenses cheminées qui surplombent la ville, à aider son père Julius, ramoneur pas officiel de son état. Et sa petite taille lui permet d'aller dans les plus étroites et sombres galeries où son père ne peut se glisser.

Mais père et fille n'ont pas le choix : les temps sont durs, la concurrence est rude, donc il faut ramoner, ramoner, ramoner, et parfois seulement prendre le temps de rêver, en fin de journée ou entre deux crises de koma par exemple.

Rêver à Rosita, la mère et épouse trop tôt emportée par les noires cheminées.

Rêver à la campagne, endroit étrange et mystérieux qui n'existe plus que dans les souvenirs et quelques livres.

 

En effet, l'immense ville, qui a grignoté le paysage au fil des ans, grignote aussi les souvenirs et les rêves...

Les rues sont sales, seules, envahies par la suie, la fumée et la nuit.

 

Pendant ce temps, quelque part tout au fond, sans doute, au coeur du coeur de la noirceur, s'activent, s'acharnent même, de grandes créatures anthopomorphes. Elles suent, elles forcent, elles pompent. A chaque créature sa machine. A chaque machine sa créature. Sous l'oeil d'une plus grande, d'une plus grosse, d'une plus méchante aussi, sans doute.

Et, perdue au milieu des piliers rocheux et des amas de tuyaux qui vont et viennent entre les machines, l'un de ces créatures semble avoir un problème. La pompe est grippée. Mauvaise nouvelle...

 

Surtout ne pas en dire plus pour l'instant. Mais tous les éléments sont en place, ou presque. Le pouvoir discret mais implacable qui domine la ville ne tardera pas à apparaître, et les mystères vont apparaître les uns après les autres. Pour se résoudre dans un final inattendu et assez grandiose.

 

J'avais remarqué Koma à sa sortie, attiré par le travail de  Frédérik Koma Intégrale - CouverturePEETERS (que j'ai déjà invité quelques fois dans ma petite Tanière). Mais je n'avais pas pris le temps de lire le premier tome ni les cinq suivants. C'est une nouvelle fois K-BD qui me permet de rattraper cet impardonnable retard. Mieux vaut tard que jamais. Je connaissais un peu le travail de Pierre WAZEM, à l'époque de feue la collection Tohu-Bohu, chez les Humanos. Là encore une belle occasion de me rattraper.

 

Mettant en scène un univers qui n'est parfois pas sans rappeler celui, tout aussi étrange et mécanique, d'Horologiom, WAZEM met très vite en place un monde cohérent et mystérieux à la fois : il nous fait plonger dans les entrailles de la terre dès les premières pages, puis nous ramène à une réalité presque banale, un soir dans un bar, avant que, en prenant un peu de hauteur, il nous promène sur les bords étroits des cheminées dominant la ville.

Avec Koma, le scénariste prend le temps de développer un vaste récit allégorique et presque philosophique, sans jamais s'attarder à des passages trop indigestes ou explicatifs : l'action reste son principal moteur.

Ainsi que les relations entre les différents personnages, quels qu'ils soient : Addidas et son père, bien sûr, mais aussi Julius et son concurrent direct, les forces de l'ordre, les créatures souterraines, et toutes les rencontres de passage...

WAZEM semble également prendre grand plaisir à développer la psychologie de sa petite héroïne qui raisonne comme une enfant, mais pas seulement. Fan de westerns, l'imagination débordante, elle est également bien consciente de tout ce qui se passe autour d'elle, elle ne tarde jamais pour réagir et secouer avec elles ceux qui l'entourent, et elle accepte avec un détachement sain mais désabusé ses mystérieuses crises de koma.

 

Avec sa grande maîtrise du noir et blanc, Frédérik PEETERS rend à la perfection le regard vif et profond de la fillette : qu'elle contemple la ville, le fond des cheminées, son père, Addidas le fait toujours avec ses grands yeux scrutateurs et intelligents. Le trait du dessinateur lui confère tout le dynamisme et l'expressivité dont elle a besoin.

Battante, déterminée, elle est brossée avec toute l'énergie que le dessin peut porter.

Les noirs profonds de PEETERS sont également parfaits pour creuser les entrailles de la terre ou la suie des cheminées : le noir des murs, des visages, des machines, ne laisse que rarement la place à la blancheur et la lumière.

Même si son trait se fait parfois caricatural, PEETERS sait faire passer des émotions fortes à travers les yeux et les visages, et faire poindre l'humanité où on ne l'attendait pas, et la monstruosité derrière les visages les plus anodins.

 

Car le monde de Koma n'est pas un monde paisible : il est cruel, étouffant, et placé sous l'égide d'une étrangeté dérangeante comme on a déjà pu en croiser dans Pachyderme ou Château de sable, par exemple. C'est dans ces moments, d'ailleurs, que le trait souple et protéiforme du dessinateur semble le plus virtuose.

 

Ne vous y trompez pas : sous des dehors grand public, voire jeunesse (format, collection...) Koma est un récit puissant et prenant à ne pas mettre entre toutes les mains. Pas tant pour certains dialogues un peu complexes ou profonds, que pour certaines scènes ou situations physiquement ou psychologiquement violentes.

Réussir à faire passer tout cela avec quelques touches d'humour et un trait parfois très simple montre bien la force des deux auteurs qui, l'air de rien, à partir d'une petite histoire mystérieuse, abordent des questions fondamentales.

 

Petite remarque formelle pour finir : j'ai lu l'intégrale, qui est en noir et blanc et en petit format, et non la version en couleurs et plus grande, tome par tome. Frédérik PEETERS fait partie de ces auteurs qui ont commencé par être édités en noir et blanc (Pilules Bleues, Lupus), et qui gagnent à l'être, tant la densité et la force de leur dessin y prennent toute leur dimension. Et l'univers de suie et de cendre de Koma se prête d'autant mieux à cette épure.

A vous de juger.

 

Champimages en profondeur.

 

Koma T1 - Extrait

 

Koma Intégrale - Extrait

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