Il y a quelques temps - plus de quatre ans, en fait, comme le temps passe ! - je vous avais brièvement parlé des Sous-sols du Révolu, intelligente contribution de Marc-Antoine MATHIEU au projet que le Musée du Louvre avait confié à différents auteurs de bande dessinée.
Dans le cadre du mois de l'OuBaPo que nous réalisons avec K-BD, je me suis replongé dans cette bande dessinée de génie - oui, pour moi, M-A M fait partie des génies de la bande dessinée - afin de vous en parler un peu plus profondément.
Dans un XIXème siècle qui n'est pas sans rappeler celui des Cités Obscures, Eudes le Volumeur a été dépêché pour réaliser l'expertise la plus exhaustive possible d'un musée caché derrière ses multiples noms et leur histoire : "Le Musée du Révolu", "Le Voulu Démesuré"...
Comme les lettres de son nom, ses niveaux souterrains se sont mélangés, au fil des âges, et ce brave Volumeur, accompagné de Léonard, commis à son service, va avoir fort à faire pour, niveau après niveau, percer les secrets du plus vaste des musées du monde.
"Dépôt des moules", "Atelier de restauration", "Département des copies"... M-A MATHIEU profite de cette improbable plongée - partant du principe que le Louvre actuel ne serait que la partie émergée d'une immense iceberg muséal - pour présenter les différentes facettes de la vie d'un musée, et en pousser les logiques à l'extrême, jouant des mots et des situations avec son inventivité habituelle.
Cette mise en profondeur permet d'ailleurs de nombreuses mises en abyme, que ce soit de l'oeuvre dans l'oeuvre, dans "La réserve du tableau", ou de la bande dessinée dans l'art - et réciproquement - dans "L'entrepôt des cadres".
Car M-A MATHIEU, qui est également scénographe, ne manque pas de nous rappeler combien la proximité de cadres et de tableaux sur un même mur peut évoquer... une planche de BD ! Il convoque d'ailleurs, en toute discrétion, le grand Piet MONDRIAN, donc les compositions géométriques affleurent à chaque page.
A propos de composition, d'ailleurs, les quelques informations glanées à la page 48 nous permettent de prendre un peu de recul sur l'ensemble des pages de l'album, et de constater que, à quelques exceptions près, elles constituent toutes une variation différente sur le gaufrier de 3 x 3 cases qui apparaît parfois.
Voici donc l'OuBaPo dans toute sa splendeur, mais sans se montrer : un procédé formel préalable a entraîné la création des Sous-sols du Révolu. Un procédé sur l'essence même de la bande dessinée : la mise en cases et en pages.
Avec, en prime, une réflexion sur l'art et, surtout, sur toutes les facettes du dispositif muséal.
Cerise sur le gâteau, apprécions la qualité d'impression de l'album qui permet à l'auteur, et surtout à ses personnages, de s'enfoncer dans des salles parfois toujours plus obscures, où les corps se fondent presque totalement avec la noirceur environnante, révélés par l'éclat des bulles qui, fidèles bornes des récits graphiques, ponctuent chaque case.
Une nouvelle preuve du talent de Marc-Antoine MATHIEU, de sa maîtrise de la bande dessinée, et de sa capacité à retourner un sujet dans tous les sens pour en tirer toutes les potentialités.
Les Sous-sols du Révolu, véritable Rubik's Cube graphique.
A lire et à relire sans fin...
Champi, le velour médusé