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  • : La Tanière du Champi
  • : La Tanière du Champi se veut un lieu où l'on se sent bien pour lire (surtout des BD !), discuter, jouer... Au gré des humeurs, lectures, heures de jeu, j'essaierai de vous faire découvrir tout ce qui se cache sur les étagères poussiéreuses de ce petit mo
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Cases dans le vent

Vous n'êtes pas sans savoir que, depuis quelques mois, je rédige des biographies d'auteurs de BD pour des l'encyclopédie en ligne des Editions Larousse.

Afin de vous permettre de retrouver plus rapidement l'ensemble de mes contributions, je vais essayer de les lister ici dans l'ordre de leur parution.

Bonne lecture, et n'hésitez pas à me laisser vos avis !

Champi à tout vent

David B. - Edgar .P. JACOBS - Bob de MOOR - Benoît PEETERS - François SCHUITEN - René GOSCINNY - Astérix - Manu LARCENET - HERMANN - Robert CRUMB - Osamu TEZUKA  - Jean-Pierre GIBRAT -





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19 décembre 2010 7 19 /12 /décembre /2010 12:21

KBD - Entête Pluto

 

Après vous en avoir parlé ici, voici une chronique croisée par la riche équipe de  K-BD sur le tome 1 de la série Pluto, de Naoki URASAWA.

Plusieurs regards et plusieurs avis valent toujours mieux qu'un !

 

Champimages croisées.

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 06:40

La position du tireur couché - CouvertureIl me semble que Jacques TARDI fait partie de ces Grands Anciens qui distillent les albums avec une telle régularité et une telle maestria qu'on finirait presque par ne plus les remarquer, malgré les grandes campagnes publicitaires et les tonitruantes pré-publications dont ils bénéficient.

Pourtant, une telle longévité et un tel succès ne s'expliquent bien souvent que par un immense talent à la fois profondément établi et en perpétuelle réaffirmation.

C'est le cas du grand Jacques qui, avec la Position du tireur couché, nous livre un de ces noirs bijoux dont il a souvent émaillé sa production hétéroclite.

 

Entrée en matière dans le vif - plus pour très longtemps - du sujet : une camionnette, une rue la nuit, un couple qui marche, un coup de feu étouffé, des cris, un nouveau coup de feu, puis le silence. Le froid et implacable ballet de la mort tarifée s'invite dès les deux premières pages, avec une efficacité et une organisation presque chorégraphiques.

Martin Terrier, dit "Monsieur Christian", dans le milieu, pense en avoir fini de sa parenthèse violente avec ce dernier meurtre. Il n'aspire plus qu'à se mettre au vert, si possible auprès de sa blonde.

Mais Martin semble avoir oublié que la vie n'est jamais simple, surtout pas quand on fréquente les organisations criminelles, et encore quand on est con - ce que bon nombre de gens n'ont de cesse de lui rappeler au fil des pages.

 

Le retour au village d'antan ne se fait donc pas sans heurts : ses anciens employeurs n'entendent pas le laisser filer aussi facilement, la famille d'anciennes victimes est sur ses traces, et ses amis et amour d'autrefois ont suivi des voies qu'il n'attendait pas...

Le repos auquel aspirait ce "tireur couché" risque surtout de s'apparenter à une sortie les deux pieds devant...

 

Pour la troisième fois, TARDI vient fleurter avec l'univers du romancier  Jean-Patrick MANCHETTE. Après Griffu, une collaboration, puis Le Petit Bleu de la côte ouest, une adaptation, La position... en est une autre (en attendant celle de Nada, autre roman de MANCHETTE sur lequel TARDI travaille actuellement, et dont la couverture est glissée, en hommage, dans certaines cases de La position...). TARDI a toujours aimé côtoyer la littérature (souvenons-nous de ses illustrations de trois romans de L-F CELINE), et encore plus le polar (souvenons-nous des Nestor Burma). S'il reconnaît qu' "(il est) venu à l'adaptation de romans parce qu'à l'époque (il) trouvai(t) les scénaristes de bande dessinée un peu faiblards"*, il reconnaît que "les romans de Manchette deviennent intéressants car on regarde les années 70 comme auparavant les années 50"* : avec un besoin de documentation.

 

Graphiquement, on retrouve en effet le TARDI historien qui se promène entre toutes les époques parisiennes depuis des décennies : décors, vêtements, véhicules, unes de journaux... Tout est réuni pour ancrer le récit dans une réalité d'autant plus prégnante que l'actualité politique dessine la toile de fond de La position... Martien Terrier se retrouvant au centre de rouages qui le dépassent largement.

Entre village et capitale, TARDI campe, avec son inimitable trait, des personnages massifs et hiératiques qui grincent un drame inéluctable où le blanc faussement domine. Car le roman noir porte bien son nom bien que maculé de rouge sang : les moindres détails ancrent le récit dans la boue du réel, et la violence presque ordinaire rappelle combien la vie est dure.

 

Etrange destin que celui de ce "tireur" qui, en quelques jours, revisite les dix dernières années de sa vie, faisant bien malgré lui le sordide bilan de sa vacuité, et quelque part de l'incapacité à s'éloigner des sentiers tortueux tracés par le destin. Est-ce le roman, qui est noir, ou juste la vie, en fait ?

 

Champimages à bout portant. 

 

*Extraits d'une interview fournie dans le dossier de presse

 

La position du tireur couché - Extrait

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20 novembre 2010 6 20 /11 /novembre /2010 06:53

DMZ T1 - CouvertureCela faisait un moment que DMZ me faisait de l'oeil, insidieusement, me tentant d'un "lis-moi" rappelant les plus belles étiquettes des bouteilles et gâteaux d'Alice au pays des merveilles.

 

Il m'aura toutefois fallu l'impulsion de  K-BD pour franchir le pas - rien ne vaut parfois une certaine forme de contrainte en guise de motivation pour faire ce que l'on avait jusque-là patiemment et méthodiquement repoussé !

 

Plongeons ensemble au coeur de Manhattan...

Notre hélico, affrété par l'armée, se faufile avec prudence entre les quelques gratte-ciel encore debout.

Le sol, jonché de ferraille, de détritus, de gravas, de corps, parfois, évoque une inquiétante jungle urbaine.

Méfiance et prudence étaient justifiées, mais trop tard...

La roquette va bien trop vite... et l'appareil s'écrase avec fracas.

Exit le brillant lauréat du Pulitzer censé effectuer une série de reportages pour la chaîne Liberty News.

Exit les militaires surarmés et surentraînés issus des rangs de l'armée étasunienne.

Ne reste que le pauve Matty Roth, insignifiant stagiaire que le destin - ou la chance, ou le hasard, ou un effet scénaristique - place au coeur de la DMZ... Cette DeMilitarizedZone qui sert de tampon entre deux nations en guerre...

 

A l'Est, les forces régulières de l'Armée étasunienne, donc.

A l'Ouest, du nouveau : les Etats libres.

Car une nouvelle guerre de Sécession a lieu, depuis cinq ans. Guerre atroce et fratricide - forcément - qui a fait de Manhattan son terrain de mort. Le nouveau cessez-le-feu semblait tenir bon, et l'info semblait enfin pouvoir se creuser un passage entre les bombes et les fusillades.

Mais non...

A moins que le stagiaire, encore maigrement relié à la civilisation, et disposant de matériel lui permettant de capter sons et images inédits, ne se décide à plonger au coeur du chaos pour en faire jaillir la vérité.

Que ce soit par conviction ou pour les jolis yeux de Zee, l'hirsute médecin qui lui sauve la vie, Matty Roth reste.

Pour faire taire les rumeurs qui vont bon train sur ce no man's land où errent et survivent encore plusieurs centaines de milliers de personnes.

Pour mettre en images les horreurs d'une guerre qui, comme toujours, frappe aveuglément et sans retenue.

Pour montrer les espoirs, les abominations, les folies qui germent et grouillent sur cette immense friche urbaine qu'est devenu Manhattan.

 

"Il n'y a que dalle de sécurité dans cette ville, à part ce que les gens du coin ont mis sur pied. Les règles changent d'un bloc à l'autre, d'un quartier à l'autre. Ne sois sûr de rien. Car tout ce que tu as entendu est vrai."

 

Seul rempart contre le chaos : le badge de journaliste que Matty arbore ostensiblement. Véritable gilet pare-balle, il lui offre également, peu à peu, la confiance de tous les meurtris qui voient en lui une possible issue.

La vérité pourrait-elle faire taire les armes ?

 

 Brian WOOD a fait de Manhattan un immense terrain de jeu scénaristique. Il s'en donne à coeur joie pour imaginer les pires ou les plus inattendues évolutions de chaque quartier, de la plus totale désolation à l'espoir le plus inespéré. Moteur de ces errances : l'humain, toujours plus fort ou plus fou qu'on ne le croit, repoussant toujours plus loin les limites des possibilités et de la santé mentale. Il arrose tout cela d'une forte dose de cynisme et de critique politique, médias et armée jouant un désolant pas de deux. Propagande et violence aveugle se disputent cette DMZ, creuset de tous les travers d'une société au bord de la rupture.

 

 Riccardo BURCHIELLI met au service de cette histoire une trait classique et efficace qui fait la part belle aux paysages apocalyptiques et aux personnages atypiques : gueules ravagées par la guerre ou par un caractère bien trempé, les personnes que Matty croisent portent dans leur chair les marques de ce conflit terrible pour les corps et les esprits. BURCHIELLI sait mettre en scène l'horreur sans complaisance ni voyeurisme, et orchestre la violence avec une effrayante rigueur. Lorsque le jeune photographe prend un peu de distance, à travers ses photos, le trait se fait plus charbonneux, plus flou, renforçant le trouble qui nous gagne au fur et à mesure que se dévoilent les horreurs de cette guerre intérieure.

 

Certes, le dessin est parfois maladroit ou chancelant. Certes, certaines situations manquent un peu d'intérêt ou d'intensité. Mais DMZ reste du comics bien trempé. Les dialogues n'y sont pas aussi fulgurants que dans  Transmetropolitan, et Matty Roth est bien plus effacé que Spider Jerusalem - difficile d'en être autrement !! -, mais DMZ offre une intéressante vision du journalisme de terrain, avec les dangers que cela comporte, mais aussi les portes que cela permet d'ouvrir.

Plonger au coeur du chaos pour y découvrir vérité et humanité.

Inquiétant mais peut-être incontournable programme.

 

Mettre la guerre en images pour mettre fin à la guerre ?

Ou simplement montrer que l'humain s'adapte à tout, pour le meilleur comme pour le pire ?

 

Champimages choc

 

 

DMZ T1 - Extrait

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4 novembre 2010 4 04 /11 /novembre /2010 22:49

Pluto T1 - CouvertureMême si l'inspecteur Gesicht - dont le visage figure sur la couverture - a du chien, Pluto n'est pas un hommage de Naoki URASAWA à Walt Disney, mais à Osamu TEZUKA.

 

En effet, une des créations les plus célèbres du maître du renouveau du manga, dans les années 50, Tetsuwan Atomu (Astro le petit robot, dans la langue d'HERGE), était censé être né ... en 2003.

Lorsque la faditique année s'en vint poindre à l'horizon des calendriers, URASAWA, fort de plusieurs succès éditoriaux, dont l'incroyable Monster, frappa à la porte de la Tezuka Productions Inc pour leur proposer cette histoire...

L'affaire fut a priori rapidement conclue, et approuvée par les descendants de TEZUKA eux-mêmes.

 

Pluto - dont le nom évoque Pluton, le dieu des enfers dans la mythologie romaine - est une adaptation/transformation d'un des épisodes de Astro : Le Robot le plus fort du monde.

 

L'inspecteur Gesicht, au service d'Europol, mène une double enquête. D'une part, on a tué Mont Blanc, le robot géant ami de tous et grand pacificateur du Moyen-Orient. Protecteur de la nature. Idole des enfants.  D'autre part, un militant pro-robot (car ce monde "futuriste" regorge de robots de toutes sortes), un humain, a été retrouvé mort à son domicile. Sans aucune trace biologique autour de lui. Comme si le coupable était ... un robot. Mais un robot qui enfreindrait les lois de la robotiques...(Isaac ASIMOV n'est jamais loin !)

 

Délicates investigations et réflexions pour l'inspecteur, qui n'est pas au bout de ses peines : un tueur de robots s'affaire. Implacable. Insaisissable. Et terriblement puissant...

 

Un trait classique mais très efficace, un sens de la narration et du découpage hors-pair... URASAWA ne fait pas partie des meilleurs mangaka du moment pour rien. D'autant qu'avec Pluto, il nous livre une de ces complexes histoires de complot dont il a le secret, distillant les indices, jouant avec les lecteurs en le piégeant dans ce qu'ils pensent avoir vu et compris. Et, coup de chance, Pluto n'est pas destiné à devenir une histoire-fleuve de plus, comme XXth century boys, du même URASAWA...

 

Cette rencontre entre deux maîtres du genre est donc une réussite.

Elle rappelle combien TEZUKA était un précurseur en tant que scénariste aussi.

Et elle montre combien URASAWA est son digne héritier.

A travers les décennies, les deux auteurs savent remettre au goût du jour un thème déjà souvent traité dans les manga : le degré d'humanité et d'indépendances des robots. Ou leurs travers inhumains quand surviennent certaines situations.

 

"Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?" Au vu de ce qu'ils vivent, parfois, on pourrait penser que ce serait mieux pour eux...

 

Champimages en flash-back.

 

Pluto T1 - Extrait

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3 novembre 2010 3 03 /11 /novembre /2010 14:30

Wormwood T3 - CouvertureIl n'y a pas à dire, je ne m'en lasse pas...

C'est glauque - dans les deux sens du terme, d'ailleurs -, brouillé, ça suinte, ça grouille, ça meurt dans tous les sens, et qu'est-ce que c'est bon !

 

Voici donc le troisième opus de Wormwood, le cadavérique agent très spécial - et spatial, pour le coup - créé par le talentueux et très atteint  Ben TEMPLESMITH.

 

Au programme, toujours les mêmes ingrédients, ou presque : la menace tentaculaire - qui donne ici son sous-titre à l'ouvrage, tout de même ! -, le choc des réalités, de jolies filles (les employées du pub de Médusa, haut lieu de la bière, du gogo-dancing, et des portes dimensionnelles), M. Pendule, le robot stoïque qui pourrait jouer sans peine pour les ZZTop, et bien sûr Wormwood, le ver de terre occultiste qui anime un corps décharné pour pouvoir errer presque incognito parmi les humains.

Ajoutez à cela Elvis et ses avatars multi-réalités et un peuple des fées à mi-chemin entre les pires rednecks et des libellules transgéniques, et vous aurez un petit aperçu de ce qui vous attend à la lecture de ce nouveau concentré de grand n'importe quoi jubilatoire !

 

En gros, les tentacules arrivent, enlèvent Wormwood, et pendant que ses amis tentent de retarder l'invasion qui mettra juste fin à toute vie sur Terre et dans toute la réalité environnante, le ver bavard cherche une solution à ce problème plutôt épineux. L'occasion d'en apprendre un peu plus sur son origine, son passé, son histoire... Et de se rendre compte que, décidément, derrière son humour foireux et son halein fétide se cache un être particulièrement puissant !

 

Enchaînant les situations les plus improbables avec un tissu presque vraisemblable, Ben TEMPLESMITH nous trame une nouvelle fois une histoire particulièrement plaisante, à lire au 1000ième degré, au moins. Les bons et gros mots fusent de toutes parts, presque aussi violents et nombreux que les balles bien impuissantes face à cette invation alien qui ne se contente pas de débarquer en soucoupes volantes, mais qui fait voler en éclats les murs de la réalité.

Rien que ça.

Ce magma occulto-humoristique est comme toujours servi par l'inimitable trait de l'Australien fou - comme il se qualifie lui-même, en tant que biographe de Wormwood - qui pêle-mêle traits, photos retouchées, couleurs chamaillées et effets de lumière - et d'ombre, d'ailleurs.

Spéciale dédicace pour Elvis et ses avatars.

 

Et en prime, quelques histoires courtes en fin d'ouvrage, "il y en a un peu plus mais je vous les mets quand même ?", comme dirait l'autre.

 

A lire sans prise de tête aucune, juste pour le plaisir.

Et l'humour noir...

 

Champimages qui suintent.

 

Wormwood T3 - Extrait

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1 novembre 2010 1 01 /11 /novembre /2010 09:35

Les Plumes T1 - CouvertureOh, le beau bandeau rouge en couverture ! Qui annonce doublement la couleur : un hommage aux innombrables prix qui barrent les couvertures des romans les plus en vue - ou à voir ? - , et la couleur de la tension grandissante au sein de ce cercle de quatre auteurs en quête de sens.

 

Ils sont venus, ils sont tous là, pourfandant le commun d'un flot de citations.

Inscht, effervescent rondouillard, qui note à tout bout de souffle, et qui cherche, ébauche, multiplie, mais ne conclut jamais.

Greul, l'acariâtre, planquant à peine sa misanthropie derrière ses lunettes grises.

Alpodraco, le bellâtre à la peau halée, tombeur pourvu d'un I-Phone et de nombreuses conquêtes.

Malard, l'introverti, dépassé et dévoré par la campagne promotionnelle de son dernier ouvrage.

 

Hilarante "jase bande" dégainant à tout va bons et mauvais jeux de mots pour pester contre les autres, contre le monde, et contre tous ces cafés qui ne valent pas mieux que leur Rendez-vous des amis qui menace de fermer. Où pourraient-ils alors aller traîner leur mal de vivre, leur inspiration flageolante, et les personnages fantômatiques qui leur collent aux plumes ? Aux Trois Mulets, qui ne pourraient pas tous les accueillir ? Au Théâtre des Pantins, qui jadis abrita JARRY ?

 

Etouffant poids que celui des anciens, qu'ils invoquent à tout bout de champ : CAMUS, WOOLF, AYME... Comme un écho à ces dizaines d'auteurs invités en deuxième et troisième de couverture à disserter sur l'écriture, en une longue énumération relevant autant du dictionnaire de la littérature que de l'exercice de style.

 

Exercices de style qu' Anne BARAOU, la scénariste, connaît bien : membre active de l'OuBaPo, on lui doit l'inimitable Coquetèle - avec Vincent SARDON - et le délicat  Une demi-douzaine d'elles. Elle brosse ici un tableau d'une justesse acide sur un certain monde de l'écriture, qu'on l'imagine avoir côtoyé de salon en vernissage, de lecture en dédicace. Distillant références délicieuses et dialogues improbables, elle met en scène des moments d'une exquise et cruelle absurdité, entre une "bataille d'épithètes" et un goûter d'anniversaire où chaque auteur présente sa progéniture nourrie à la dépression et à l'existentialisme.

 

Qui d'autre que  François AYROLES pouvait illustrer avec ironie et détachement cette basse-cour de plumitifs poussifs ? Corps un peu rigides, visages trop sérieux, expressions tout en raideur et en retenue... Il rend sa galerie de personnages suffisante, détestable, et pourtant attachante par son ridicule et son pathétique...

 

Une chronique de la solitude partagée, en somme.

En marge d'une société dont ils ne veulent pas et qui le leur rend bien.

Aigris, distants, grinçants, ces emplumés luttent pour préserver les modestes repères qu'ils se sont patiemment construits, fragiles boucliers face à un monde qui bouge, qui bouge, et qui les secoue...

Qui aura raison d'eux ? Le succès ? L'appel d'Hollywood ? Un secrétaire trop talentueux ? Une conquête de trop ?

 

Les - inévitables - chapitre de ce premier tome posent le décor et les personnages, et éparpillent des germes d'action.

La suite, vite.

Au Rendez-vous des amis ?

 

Champimages en mots.

 

Les Plumes T1 - Extrait

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31 octobre 2010 7 31 /10 /octobre /2010 18:20

Mutafukaz T1 - CouvertureJe sais que je ne chronique pas toujours ici des BD de première fraîcheur. Et alors ? Ca m'apprendra à ne pas avoir tout de suite accroché à Mutafukaz au moment de sa sortie, en 2006 !

Mais il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis, il paraît, donc voici venue l'heure de ma rédemption.

Bon, j'abuse un peu.

Alors disons celle de mon rattrapage. Ca en jette moins, mais restons réaliste !

 

Voyons voyons... Pourquoi un avis mitigé à l'époque, et un avis plus emballé aujourd'hui ?

Je n'ai subi aucune pression ni d'Ankama - à qui j'ai même donné quelques sous-sous à l'époque où je jouais à Dofus ! - ni d'envahisseurs qui seraient déjà parmi nous, ni même de catcheurs en collants moulants et masques bariolés.

Olés.

 

Mais disons qu'en fait, cette histoire qui ne se prend pas au sérieux, une fois qu'on a passé l'aspect brouillon des premières pages - il en vient de partout, le style protéiforme s'éparpille un peu, et que viennent faire ces cafards amicaux dans les coins de cases ? - est plutôt un régal... Une sorte de cocktail à la fois épicé et composé d'ingrédients auxquels il faut s'habituer un peu pour pouvoir les apprécier...

 

Dark Meat City... Tout un poème : dans les rues, des gangs, des gangs, encore des gangs.. Et un petit livreur de pizzas.

A la télé : du catch, encore et toujours, ou la tronche de déterré du président Gore Tex, ça ne s'invente pas.

Et dans les ombres de certains passants... d'étranges formes... aux oreilles trop pointues pour être honnêtes...

 

Le livreur, c'est Angelino.

Pas une tête de top model, pas un cerveau d'Einstein non plus, et manque de bol, il se vautre en scooter durant sa livraison, récoltant quelques bleus et hallucinations.

Hallucinations qui le tirent d'ailleurs de son sommeil, en pleine nuit : il croit voir un ovni, volant plutôt bas pour la saison.

Son pote et collocataire Vinz, sosie liliputien de Ghost Rider - mais si, l'homme au crâne qui crame en permanence ! - essaie de prendre soin de lui, mais dur dur quand les placard sont vides et qu'il n'y a plus d'eau chaude...

 

Difficile d'en dire plus sans accroître la confusion !

Imaginez une marmite graphique pleine de gangs, donc, de deux allumés un peu paumés et de leur ami-chat avec un appareil dentaire qui traîne dans tous les mauvais coups - Willy, pour les intimes - d'un complot extra-planétaire, d'hommes en noir, de catcheurs, et d'une ville qui tombe en miettes, faites bouillir, ôtez la valve de sûreté, et vous aurez une toute petite idée de ce qui vous attend à la lecture de Mutafukaz.

 

RUN, son auteur déjanté qui se présente au fil de quelques pages, et évoque son inoubliable périple aux Etats-Unis (les polaroïds sont autant de preuves que tout est vrai ! Argh !), a fait feu de tout bois pour ce coup d'essai et de maître : mélange des genres - un trait un peu street-art, des passages psychédéliques, des extraits de journaux, des fausses pubs, des photographies plus vraies que nature... - humour tous azimuts, situations toutes plus improbables les unes que les autres, et pourtant ça prend !!

C'est parfois un peu trop facile - scénaristiquement - un peu trop déformé - graphiquement - mais ça marche, parce que justement tout participe de ce bricolage de génie qui ne se prend pas au sérieux mais qui met tout en scène avec un réel attachement !

Oui, c'est le mot : RUN aime ses personnages.

Certes, il les martyrise, mais c'est pour la bonne cause ! On en redemanderait, presque !

Après tout, on ne peut pas mettre en scène des aliens et catcheur nommé Jessy Christ sans un minimum de troubles mentaux !

 

Ankama s'est développée en traînant sur tous les sentiers battus : jeux vidéo, bandes dessinées, dessins animés, jeux de cartes... RUN y est bien à sa place, avec son aventure kaléiodoscopique !

Trois autres tomes sont disponibles (du 0 au 3), et il paraît que ce n'est pas fini.

La rançon du succès, sans doute.

 

Mutafukaz : de quoi faire voler en éclats quelques habitudes. Plutôt pas mal !

A l'assaut !

 

Champimages dans tous les sens.

 

Mutafukaz T1 - Extrait

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29 octobre 2010 5 29 /10 /octobre /2010 07:04

Black-Hole---Couverture.jpgJ'avais déjà brièvement évoqué la bande dessinée Black Hole il y a quelques années - damned ! Que cette formule me fait prendre conscience de l'âge presque canonique de cette Tanière ! - à propos de sa possible adaptation cinématographique. Si le film n'est toujours pas sorti, ma participation à K-BD m'a permis de me plonger dans ce petit pavé qui m'attendait depuis plus d'un an sur mes étagères.

 

Nous voici donc quelque part dans une petite ville anonyme des Etats-Unis... Des lycéens, des bières-parties, des joints qui tournent et font tourner, des sentiments amoureux non partagés, les premières relations sexuelles...

Tout commence en cours de biologie, durant la dissection d'une grenouille. Keith, en binôme avec Chris - "une fille super mignonne" - se penche sur la fente qu'il vient de dessiner sur le ventre boursouflé du batracien... et tombe dans les pommes. Le voilà submergé par des visions cauchemardesques et presque prophétiques : corps déchirés, objets éparpillés, déchiquetés, et la présence récurrente d'une créature serpentine ou vermiforme qui s'enroule sur elle-même tout en s'immiscant partout.

 

Le trouble est jeté.

Il va se changer en malaise au fil des pages, tandis qu'un mal étrange mais connu de tous se propage parmi les jeunes gens : la crève.

Ni toux, ni fièvre. Mais d'abominables transformations physiques qui poussent à fuir la compagnie des "normaux" pour se réfugier dans les bois : visage difforme, peau fripée, ouverture béante sur la poitrine...

Une étrange cour des miracles a établi ses quartiers sous les arbres tranquilles de ce coin de bois reculé, où seuls quelques fumeurs discrets viennent aussi s'isoler. Tentes branlantes, feu de camp fédérateur, et ces étranges assemblages d'os de poulet, de bois, de ficelle, de photos de corps féminins nus et de membres de poupées désarticulées...

 

Rien de très chantant dans les Etats-Unis de Charles BURNS. Dans un décor d'une effrayante intemporalité - pas d'ordinateurs, pas de téléphones portables, tout au plus une télévision de temps en temps, et surtout de la drogue, des voitures et de l'alcool - des adolescents en perte de repères se cherchent, mais ne trouvent que la fuite par la fumée ou la maladie déformante.

Cruel passage à la vie adulte, cruelle métaphore d'une puberté aliénante, plongée dans l'inconnu et face-à-face terrible avec l'autre tour à tour horrible et fascinant.

BURNS sait distiller l'angoisse et l'horreur sans sombrer dans le grandguignol : tout est mesuré, retenu, tracé dans un style surligné presque trop propre, une sorte de ligne claire à gros traits envahie par des ombres omniprésentes et d'une terrible épaisseur.

Le moindre objet, le moindre lieu, le moindre visage se peignent d'une noirceur dévorante et se nimbent du froid du néant.

Le trou noir est partout, aspirant et dévorant inlassablement les corps et les coeurs de celles et ceux qui passent à sa portée.

 

Chronique d'une adolescence en perdition, Black Hole est aussi une pongée dans l'horreur du quotidien, dans l'indifférence des contemporains, dans ces infimes moments où tout bascule à jamais.

Monde des adultes distant et sourd, monde des ados fuyant ou cruel... Même la nature, qui se fait parfois refuge - le couvert des arbres, la caresse de l'eau - se change en labyrinthe hallucinatoire, jonché de visions morbides et de fragments d'une réalité à jamais agressive.

 

Revendiquant la forte influence que Art SPIEGELMAN a pu avoir sur lui, Charles BURNS est aussi à rapprocher de Daniel CLOWES, autre grand peintre d'une jeunesse sans avenir.

 

L'avenir est triste.

La chair est triste.

Ne restent que des fragments.

Et l'immuable voûte étoilée.

 

Champimages sombrant dans l'ombre.

 

Black Hole - Extrait 2

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26 octobre 2010 2 26 /10 /octobre /2010 22:51

Asterios Polyp - CouvertureJe sais que je ne présente ici, la plupart du temps, que des bandes dessinées qui m'ont plu. En essayant toutefois - même si ce n'est pas dans mes habitudes - de raison garder.

Pourtant, face à Asterios Polyp, je me dois de crier au génie...

 

Curieux parcours que celui de David MAZZUCCHELLI, auteur passé des anatomies surdimensionnées de Daredevil ou Batman à un quasi-minimalisme architectural.

 

Entre deux superpositions presque antagonistes de bleu et de rose, sur la couverture, se pose le suffisant Asterios Polyp. Architecte sur le papier, mémoire phénoménale, ayant un avis sur tout, et surtout un avis, Asterios est un survivant. L'unique survivant, même, du couple qu'abritait le ventre de sa mère. Chargé du lourd fardeau de son frère Ignazio, il s'est bâti une vie d'excellence, structurée par un manichéisme à tout cri, essentiellement articulé autour du couple "linéaire/plastique".

 

Pourtant, tel la météorite ayant mis fin au règne des dinosaures, un incendie venu du ciel fait voler en éclat sa vie et ses certitudes : le voilà contraint de fuir son bel et bien organisé appartement new-yorkais, et de errer dans la nuit et sous la pluie.

L'occasion de se mettre au vert, et de faire le point sur une vie bien remplie et pourtant si vide...

 

Ses parents, bien sûr, du firmament à l'abîme. Ses différentes conquêtes amoureuses au sein de l'université où il a enseigné. Hana, plasticienne réservée, géniale, attachante, inoubliable. Ses théories, bien sûr. Son frère, inséparable fantôme. Et tout le reste.

 

Sur sa route, Stiff et Ursula Major. Lui, garagiste pétri de néologismes et de bonnes intentions. Elle, diva (auto)suffisante et (auto)critique, aussi cultivée que psychologue. Suffisamment de qualités pour permettre à Asterios de finir d'ouvrir les yeux.

 

Asterios Polyp est, à juste titre, présenté comme le grand oeuvre de David MAZZUCCHELLI. Une vie consacrée à un destin. A une histoire bâtie comme un labyrinthe tantôt tour, tantôt spirale, MAZZUCCHELLI fait correspondre un traitement graphique insaisissable : jouant de tous les signes de l'alphabet graphique, il alterne, dans les scènes de rencontres et de disputes, notamment, les corps hachurés ou en volumes géométriques, les corps calligrammes ou nébuleux.

Troublant effet de caractère(s) doublé d'une subtile constitution des bulles et des textes qui attribue intonations et accents particuliers à chaque protagoniste. MAZZUCCHELLI a poussé la bande dessinée dans ses limites expressives : tout est limpide mais rien n'est facile, tout est évident mais rien n'est fortuit. Chaque lettre, chaque signe au service d'une histoire, et vice-versa. Aucune fausse note, juste la parfaite harmonie entre le fond et la forme, entre le linéaire et la plastique...

De même que Asterios Polyp semble faire écho à la vie de son auteur, le livre est une sorte de mise en abyme formelle de la fiction qu'il déroule.

Se dégage alors un trouble supplémentaire : comment une bande dessinée où tout est si bien à sa place, au service d'une vie où tout est si bien rangée, peut-elle autant déstabiliser ?

Peut-être parce que la perfection n'existe pas. Ou alors seulement pour finir par montrer ses propres limites, créant un paradoxe qui fait tout reprendre à zéro.

Comme la vie d'Asterios, sans doute.

 

Asterios Polyp fait partie de ces trop rares livres dont la lecture relève avant tout de l'expérience : sens aux aguets, nous avançons au sein d'une construction savamment orchestrée où tout s'emboîte avec une perfection presque malsaine.

Délicieusement traître.

Magistralement captivant.

 

David MAZZUCCHELLI a fait partie des auteurs ayant rendu hommage à Will EISNER dans un ouvrage paru en 2005.

Il a fort justement reçu l'an dernier un Eisner Award pour Asterios Polyp.

C'est assurément un des plus grands.

A vous de constater par vous-même.

 

Champimages qui vibrent.

 

(Une BD de la sélection d'octobre de Raging Bulles)

 

Asterios Polyp - Extrait

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25 octobre 2010 1 25 /10 /octobre /2010 12:13

Wilson - CouvertureIl y a peu, je vous parlais de Daniel CLOWES et de ses univers psychotiques et glacés ancrés au plus profond des Etats-Unis.

L'actualité - et, de fait, la sélection du Raging Bulles d'octobre - mettent de nouveau cet auteur qu'on imagine fort discret sous les feux des projecteurs.

 

Voici donc Wilson, quarantenaire acariâtre à lunettes, qui avance dans une vie décousue en dévidant un long monotone acide et amer à la fois. S'adressant la plupart du temps à des inconnus croisés dans un café ou les transports en commun, il commente sa vacuité quotidienne et ses envies de rien, avec quelques thèmes récurrents : la presque unique femme à avoir partagé sa vie, et ses parents - surtout son père. Pour une fois. Etonnant chez CLOWES !

Le voilà donc malgré tout, de fil en aiguille, et de page en page, en route vers son passé. Bien peu reluisant, mais plein de surprises, y compris pour lui.

 

Etrange objet que nous livre ici Daniel CLOWES - difficile de s'attendre à moins, il est vrai !

Le trait noir de David Boring ou Comme un gant de velour pris dans la fonte laisse la place à la couleur, dans des tons parfois pastels, moins froids que ceux de Ghost World. Presque chaleureux ... Un comble pour une vie aussi glaciale que celle de Wilson, misanthrope égocentrique à la morale douteuse, voire absente.

 

S'adonnant à un inattendu exercice de style, CLOWES compose cette histoire au long cours - qui s'étale sur plusieurs années - à l'aide de presque gags en une planche, avec titres indépendants et micro-chutes de bas de page, à raison d'environ six cases par planche. L'OuBaPophile que je suis ne saurais s'en plaindre.

D'autant que, d'une page à l'autre, le trait change, oscillant entre le réaliste chirurgical et distancié qui caractérise l'auteur à une style cartoonesque et caricatural qui semble rendre hommage à certains comic strips des années 50 (comme Andy Capp, par exemple).

 

Ce va-et-vient stylistique, cette structure humoristique au service d'une vie misérable, autant de nouveaux outils que CLOWES manie avec son brio et son ironie habituels pour renforcer la froideur et la distance qui transpirent de chacune de ses oeuvres.  Plus cynique peut-être à travers ce Wilson que, d'un premier abord, on pourrait presque croire optimiste, mais qui se révèle aussi cynique et désespéré, sinon plus, que les autres albums.

 

"La nature fait si bien les choses qu'elle change les lucides en cyniques pour leur permettre de survivre", a écrit Arturo PEREZ REVERTE. Wilson est sans doute à ranger dans cette catégorie des oeuvres de survie, dans un monde qui ne prête pas à rire.

Tiens, et si on relisait un peu de TOPOR maintenant...

 

Champimages qui grincent.

 

Wilson - Extrait

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